A chaque fois que l’Algérie affronte le Maroc, les retrouvailles ne passent pas sans encombre.
USM Alger – RS Berkane, qui devait être un match ordinaire avec, certes, un enjeu de taille puisqu’il s’agit d’une demi-finale d’une compétition continentale, a finalement tourné à un dossier que les instances du football africain, voire mondial, seront appelés à traiter. Certaines parties, notamment marocaines, ont tenu à politiser la rencontre, un comportement interdit par les règlements qui régissent le sport dans le monde. Ni la Fifa encore moins le CIO ne tolèrent une immixtion politique dans événement sportif. Finalement, le derby maghrébin n’a pas eu lieu et la décision finale sera prise après que la Confédération africaine de football aura rendu son verdict concernant ce match. Flash-back sur ce qui s’est passé en 48 heures.
Arrivée tranquille des Marocains
Tout avait commencé vendredi avec l’arrivée des joueurs marocains et les officiels de la formation de Renaissance Sportive de Berkane. L’accueil était chaleureux et tout le monde est reçu avec des fleurs. Cependant, les services de douanes algériennes étaient bien vigilants. Il le fallait, car il faut s’attendre à beaucoup de choses de la part de nos voisins de l’ouest. La polémique a débuté dès que les Marocains ont foulé le sol algérien. Pourtant, l’Algérie leur a facilité la mission en leur ouvrant l’espace aérien afin de rejoindre Alger directement, au lieu de faire le « rond-point » de la Méditerranée. Malgré cela, ils ont trouvé un moyen de créer des tensions, cette fois-ci autour des maillots de leur équipe en prévision de la rencontre prévue hier dimanche au stade olympique du 5-Juillet, pour le compte de la manche aller de la demi-finale de la Coupe de la CAF.
Confiscation des bagages de RS Berkane
Les services de sécurité et des douanes algériennes ont décidé de ne pas autoriser l’entrée sur le territoire des bagages de la délégation marocaine, car ils contenaient des maillots de l’équipe de Berkane arborant une carte géographique du Maroc, non reconnue par l’Union Africaine, ni par l’ONU, avec le Sahara occidental annexé. Cela a soulevé des objections de la part des autorités algériennes. Cette situation a contraint les joueurs du club marocain à passer environ dix heures à l’aéroport international Houari Boumediene, où les responsables de l’équipe avaient refusé de quitter les lieux sans leurs maillots officiels, affirmant qu’ils étaient approuvés par la Confédération africaine de football (CAF). En plus, ils ont menacé de retourner au Maroc sans participer au match contre l’USM Alger.
Longue attente à l’aéroport
Après plusieurs heures d’attente, les organisateurs ont trouvé un compromis avec les Marocains pour que ces derniers quittent l’aéroport afin de se reposer dans un hôtel proche de l’aéroport. Entre-temps, les autorités algériennes ont maintenu leur position d’interdire l’entrée des maillots du club de Berkane en raison de sa connotation politique, affirmant que leur décision est souveraine et non négociable. Elles insistent sur le fait qu’elles sont les seules habilitées à décider ce qui peut ou non entrer sur le territoire national, et par conséquent, l’introduction de maillots arborant cette carte ne peut en aucun cas être autorisée. Après plusieurs heures passées à l’aéroport, le staff en charge de la préparation physique de l’équipe marocaine a organisé une séance d’entraînement dans la salle d’attente de l’aéroport international Houari Boumediene.
Les Marocains acceptent de rejoindre l’hôtel, mais…
Dans un même contexte, des représentants des douanes algériennes, de la CAF et de l’équipe marocaine se sont réunis à l’aéroport pour trouver une solution à cette crise. Rien n’a bougé et chaque partie campait sur sa position. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que la délégation marocaine a accepté de rejoindre leur quartier général, sis à Chéraga (à une dizaine de kilomètres du stade du 5-Juillet). Le calme est revenu, mais c’était précaire. Les Marocains savaient ce qu’ils faisaient et le scénario a été préparé bien avant l’embarquement vers Alger. Ils savaient pertinemment que l’Algérie n’acceptera jamais qu’on vient à l’encontre de ses convictions. La situation ne change pas, l’institution algérienne (la douane) est souveraine dans ce qu’elle pense susceptible de rentrer dans son territoire et la carte géographique arboré par le club sur son maillot n’est pas reconnue par l’Algérie, conformément au soutien de l’Union Africaine (UA) et de l’ONU qui reconnaissent la souveraineté du Sahara Occidental.
Statu quo après la réunion technique
Après un vendredi un peu agité du côté de l’aéroport d’Alger, tout le monde était suspendu à la réunion technique, prévue le lendemain samedi. Ce qui devait être une formalité dans d’autres circonstances, s’est finalement heurtée à une impasse. En effet, après plus d’une heure de discussion entre les deux parties, l’instance faîtière du football continental n’a pris aucune décision ferme concernant le déroulement du match aller de la Coupe de la CAF. Jusqu’à samedi soir, on ne connaissait rien au sort réservé à la rencontre. Les deux parties se sont quittées avec les mêmes convictions, alors que les représentants de l’instance qui gère le football continental n’ont pris aucune décision claire. Il est certain qu’ils attendent des directives du Caire (siège de la CAF).
La position de l’Algérie inflexible
La seule chose certaine c’est que la position de l’Algérie n’a pas bougé d’un iota. L’Algérie, respectueuse des lois, se base sur les règlements de la Fifa, de la CAF et même du Comité international olympique, qui interdisent toute connotation politique, religieuse, ethnique… dans le sport. L’article 6 des lois de la CAF stipule que «les publicités sous licence sur les maillots sont uniquement celles autorisées par le pays hôte du match (publicités, cartes de signification, logos, publicités, codes couleurs, etc.) et qui sont compatibles avec la réglementation de la CAF concernant les maillots».
La CAF prend parti avec les Marocains
Contre toute attente, la Confédération africaine de football a envoyé une correspondance à la Fédération algérienne de football (FAF) l’intimant à « libérer » les équipements de la formation marocaine. Une requête rejetée par les Algériens, estimant que personne ne pourra dicter au pays ce qu’il peut permettre de pénétrer dans le sol algérien. Les Marocains, par le biais de la CAF, a essayé de forcer la main à l’Algérie, mais cela ne risque pas de se produire. Les services de douanes algériennes sont souverains et ce sont eux qui décident de ce qui est autorisé à rentrer sur le territoire. Les maillots de l’équipe de Berkane constituent une matière « prohibée » et ne peuvent en aucun cas pénétrer sur le sol national. Les Marocains le savent, mais s’entêtent à essayer d’avoir gain de cause. Il est clair qu’ils avaient mis en exergue ce scanario.
Les clubs algériens soutiennent l’USMA
Face à ce bras de fer entre les deux parties, qui dépasse désormais le cadre du sport, l’ensemble des équipes de la Ligue 1 ont apporté leur soutien à l’USM Alger. Le Mouloudia d’Alger, le Mouloudia d’Oran, la JS Kabylie, le MC El-Bayadh, la CR Belouizdad, le CS Constantine, l’ES Sétif et bien d’autres formations ont publié un communiqué pour soutenir les champions d’Afrique. Devenue une affaire d’état, cette demi-finale de Coupe de la CAF a fait réagir tous les acteurs du championnat qui se rallient à la cause des Rouge et Noir. Les clubs de l’élite algérienne estiment qu’il est de leur devoir de défendre l’intérêt national à travers leur soutien aux Rouge et Noir.
La FAF a offert des maillots au RS Berkane
Pour montrer leur bonne foi, les Algériens ont fait une proposition aux dirigeants du RS Berkane pour que le match se déroule dans de bonnes conditions. Ils ont présenté une option dans laquelle un équipement sera fourni à la formation marocaine avec les mêmes caractéristiques (couleurs, logo, publicité…), mais pas question de voir cette carte géographique à caractère politique sur le maillot. Les Algériens ont même proposé aux Marocains de leur offrir plusieurs tenues et c’est à eux d’en choisir une. Les responsables du RS Berkane ont refusé, certainement après avoir reçu une réponse provenant de l’ouest. Les Marocains trouvent toujours le moyen de créer la polémique. La FAF a pris les devants, en offrant de nouveaux maillots qui étaient disponibles dans les vestiaires de l’équipe visiteuse. Mais le club marocain a rejeté la main tendue des Algériens et il est allé au bout de de ce qu’il a concocté avant même son arrivée.
Les deux équipes au stade, le match logiquement annulé
Dimanche et on est toujours dans l’impasse, surtout après le communiqué de la CAF qui prend parti avec RS Berkane. Cette dernière a signifié la restitution des maillots à l’équipe de Berkane afin qu’elle puisse disputer cette demi-finale, la décision de l’instance africaine de football va à l’encontre des règlements qui régissent le football continental et mondial. En effet, le règlement est clair à ce sujet car aucun équipement ne doit présenter un slogan, inscription ou images à caractère politique, religieux ou personnel. Les joueurs ne sont pas autorisés à exhiber des slogans, messages ou images à caractère politique, religieux, personnel ou publicitaire sur leurs sous-vêtements autres que le logo du fabricant. Même si tout savait que le match n’allait pas avoir lieu, les deux équipes, notamment RS Berkane, étaient présentes au stade. La formation marocaine était restée dans le vestiaire, contrairement à l’USM Alger, qui a foulé le terrain. A signaler que l’arbitre de la rencontre n’est pas rentré sur le terrain.
À 20 h 40, RSB quitte le 5-Juillet
Prenant la décision ferme de ne pas jouer cette demi-finale pour des considérations purement politiques, les joueurs de RS Berkane ont quitté le stade du 5-Juillet vers les coups de 20h40, sous forte escorte. Il faut dire que cette équipe n’a jamais été menacée dans son intégrité physique. Les joueurs se sont même baladés à Alger sans aucun problème. Malgré plusieurs tentatives, les responsables marocains ont refusé de faire la moindre déclaration préférant quitter le stade pour un retour très mouvementé au bercail.
L’affaire sera portée vers le TAS de Lausanne
La CAF a rejeté l’appel de la FAF au sujet de l’utilisation des maillots actuels du RS Berkane lors du match contre l’USM. Alger. La CAF souligne que : «conformément à l’article 48 alinéa 3 des Statuts de la CAF, cette décision est susceptible de recours auprès du tribunal arbitral du sport (TAS). Le recours devra être interjeté dans un délai de dix (10) jours à compter de la notification de la décision». De son côté, la FAF, par le biais de son secrétariat général, avait saisi le Secrétariat général de la CAF, le 14 avril 2021, au sujet de la carte géographique publiée sur le site officiel de l’instance africaine (avec une copie adressée à la FIFA) et qui n’est pas conforme aux cartes officielles de l’ONU et de l’Union Africaine (UA) où la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et non Sahara occidental (comme rapporté dans le courrier de la FAF).
La CAF a bafoué toutes les lois du sport
Un parti pris flagrant par une instance appelée à faire respecter les lois. Une première dans les annales du football continental. L’Algérie se dresse contre cette institution, otage du Makhzen et de son mentor, Fawzi Lekjaâ, qui se permet toutes les dérives au sein de la CAF. Cette dernière n’a pas respecté le Code d’éthique de la Fifa, qui stipule dans son article 10, concernant les éléments décoratifs, qui ne doivent pas «affecter les capacités des arbitres, des joueurs, des officiels d’équipes, des médias et des spectateurs» et dans son article 10, alinéa 3.6 que ces mêmes éléments ne doivent pas «représenter le visage ou l’identité d’une personne, la forme d’un pays ou d’un territoire ou en donner l’impression». Il n’y a pas plus que clair que cet article pour enfoncer les Marocains et la CAF. Ni le revers subi suite au retrait par la FAHB de la CAN de handball qu’elle voulait à Laâyoune, ni encore le cinéma orchestré lors du CHAN, des jeux méditerranéens et de la CAN U17 en Algérie n’ont ramené le Makhzen à renoncer à ses tentatives de remporter des victoires politiques. Ce qui s’est passé lors du match USMA-USB risque d’enfoncer davantage la Confédération africaine de football.