Si la candidature de l’actuel président de la Confédération africaine de football, Patrice Motsepe, est bien engagée, celle du tandem avec le secrétaire général Véron Mosengo-Omba est plutôt chahutée.
Le milliardaire sud-africain dont le mandat se terminera en mars 2025, a déjà réglé son avenir comme du papier-à-musique puisqu’il s’est déjà présenté officiellement pour poursuivre son aventure, comme unique candidat, s’offrant ainsi une route ouverte et pratiquement sans embuches.
D’ailleurs, lors de la dernière assemblée générale de la CAF, qui s’est déroulée le 22 octobre à Addis-Abeba, en Ethiopie, Patrice Motsepe s’est assuré le soutien des six zones représentatives des 54 associations membres que compte l’instance continentale du football.
Elu en mars 2021, Motsepe est arrivé avec dans ses bagages Véron Mosengo-Omba au poste de secrétaire général ; le premier s’occupant du politique et le second de l’administratif et de l’opérationnel.
Mais après quatre ans, des voix s’élèvent du siège de la CAF au Caire pour dénoncer un système de fonctionnement pourtant accepté jusqu’ici par les membres du Comité exécutif et la majorité des associations.
Et se sont les employés de la CAF qui s’interrogent sur ce tandem, avec un président rarement présent dans son bureau et un secrétaire général aux méthodes discutables dit-on.
Certes, le président exécutif d’African Rainbow Minerais, un fonds d’investissement dédié à l’industrie minière, considéré comme parmi les dix premières fortunes du continent (sa richesse est estimée à 2,5 milliards de dollars selon le magazine Forbes) ne semble pas du tout s’accrocher aux privilèges que lui confère sa fonction de président de la CAF, faisant quelque part sa force, mais on lui reproche par contre une méconnaissance des dossiers laissant le soin à son secrétaire général de tout gérer.
Est-ce une tactique ou une réalité ? Dans son management, Motsepe est en tous les cas le contraire d’un Issa Hayatou, par exemple, qui était l’homme par qui tout passait, un hyper-gestionnaire centralisant toutes les décisions. Comme il est certain que ce volet est laissé à son secrétaire général qui, lui, est la cheville plus qu’ouvrière de la CAF.
Pour comprendre ce mode de fonctionnement, il faut se rappeler le contexte dans lequel est venu Motsepe, celui d’une implication de la FIFA qui a éconduit son prédécesseur, le malgache Ahmad Ahmad, avant d’envoyer pour une mission de six mois l’ex-secrétaire générale Fatma Samoura pour ‘’remettre de l’ordre’’ pour aboutir la veille de l’élection du 21 mars 2021 à une redistribution des cartes par Gianni Infantino.
Presque quatre ans après, soit le 25 octobre dernier, trois jours seulement après l’assemblée générale de la CAF, le propriétaire du club sud-africain Mamelodi Sundowns FC a officialisé sa candidature, sans concurrent, alors qu’à un moment donné le nom de l’Egyptien Hany Abo Rida avait circulé avec insistance. Ce n’était finalement que de la fumée sans feu.
Pour autant, est-ce que Motsepe aura la partie facile dans un contexte marqué par ce fameux dossier d’audit sur les déclarations financières de la CAF pour l’année 2022/2023 ?
En effet, la commission d’audit et de conformité de la CAF avait saisi le Comex le 12 octobre 2024 l’informant qu’elle avait rejeté les déclarations financières de cette instance en raison d’importantes charges non comptabilisées, générant une perte de 16 millions de dollars de pertes.
Sans aller dans les détails techniques des différents chapitres comptables et des provisions, cette situation porterait les pertes globales de la CAF pour l’année 2022-2023 à 25 millions de dollars, bien loin des 9 millions de dollars prévisionnels annoncés par Véron Mosengo-Omba.
En réponse, ce dernier a décidé d’engager un cabinet externe pour expertiser les comptes de la CAF, une façon de contrecarrer le travail de la commission d’audit et de conformité qui n’a pas hésité de dénoncer cette pratique, intervenant la veille de l’assemblée générale.
Interpellé, Motsepe a glissé aux membres du Comex que la commission pourra mener ses investigations sans ‘’contrainte ni favoritisme’’, sans trop s’attarder sur le sujet.
En attendant la fin de l’enquête et l’issue de ce feuilleton, des observateurs avertis n’écartent pas le fait qu’en arrière-plan, une ‘’guerre’’ sans merci est livrée entre deux associations pour se réapproprier le poste de secrétaire général et donc la gestion de la CAF. C’est aussi une façon de remettre en cause le tandem Motsepe – Mosengo-Omba et fragiliser davantage le patron de la CAF.
Mais ce dernier a déjà fait approuver son rapport financier de l’année 2022-2023 en affirmant que la CAF a réduit de 68% ses pertes, soit de 28 à 9,2 millions de dollars.
Le patron de la CAF rappela à ce propos que ce rapport financier a été validé par le cabinet Ernest & Young, qui audite les comptes de l’instance, et a été approuvé également par la 46ème assemblée générale ordinaire à Addis-Abeba.
Malgré cette avancée et à moins de cinq mois de l’assemblée générale élective, il est toujours reproché à l’ancien responsable régional de la division Associations membres de la FIFA pour l’Afrique et les Caraïbes sa mainmise sur tous les dossiers et documents, après avoir remercié une dizaine de cadres de la CAF au lendemain de son arrivée au Caire, surtout ceux qui étaient dans l’entourage d’Ahmad Ahmad.
Ce qui explique les rancœurs enfouies qui auraient emmené le déclenchement de l’enquête dont le rapport avait fuité l’été dernier pour annoncer la fin proche du secrétaire général. Un article a été même publié sur le Guardians avant qu’il ne soit retiré une semaine après, ce qui prouve les confusions qui entourent cette affaire. De son côté, Mosengo-Omba a fini par bloquer ledit rapport, estimant qu’il faisait partie d’un complot visant sa personne et le travail qu’il mène à la CAF, qui apparemment dérange plus d’un.
Tout l’enjeu donc de l’élection du 12 mars 2025 tournera résolument autour, non pas de Patrice Motsepe dont la réélection est inéluctable, mais celle de son secrétaire général qui, tant qu’il a le soutien des deux ‘’chauves’’, comme disent les mauvaises langues, ce dernier sera indéboulonnable.