Les présidents de clubs d’élite au Cameroun sont ciblés par des critiques très acerbes, du fait d’une gestion financière « exécrable » avec pour principal cliché la clochardisation des joueurs. Cette situation est aujourd’hui l’une des principales pommes de discorde entre les passionnés de football au Cameroun, mais aussi entre les clubs qui crient à la pauvreté, et la Fédération qui fixe de fortes exigences pour un meilleur traitement des joueurs.
Mais que gagnent réellement un Président de club d’élite au Cameroun ? Victoria United enrichit-il Valentin Nkwain ? Les plaintes de ces investisseurs sont-elles légitimes ? Le niveau d’exigence imposé par la fédération est-il réaliste en l’état actuel des choses ? Comment peut-on améliorer la rentabilité des clubs ? Autopsie d’un écosystème en état de décadence avancée.
Au cœur du conflit !
À son arrivée à la tête de la Fédération Camerounaise de Football, Samuel Eto’o a fait de « l’amélioration des conditions de vie du footballeur Camerounais évoluant au Cameroun » l’un de ses principaux chantiers. Le nouveau président de la fédération a ainsi entrepris un certain nombre de réformes, visant à protéger les joueurs. C’est ainsi que les quotes-parts du sponsoring réservées aux clubs se sont vues accroître. Sur ces deux dernières éditions de championnat Élite One par exemple, la fédération a promis sur le papier, de verser à peu près 45 millions par saison à chaque club, en quatre tranches, le versement de la tranche N étant assujetti à la justification du payement des salaires des joueurs avec la tranche N-1. Il faut cependant rappeler que la subvention de l’Etat, autrefois égale à 350 millions pour tous les clubs de première division, n’est pas versée sous l’ère Éto’o.
L’actuel président de la FECAFOOT a aussi décidé d’augmenter les cagnottes des différents vainqueurs des compétitions organisées par la Fédération. C’est ainsi que le champion du Cameroun touche désormais 50 millions, ceci toujours dans le but d’améliorer non seulement la compétitivité du championnat, mais également le traitement salarial des joueurs. Cette mesure en particulier, bien que positive, s’est heurtée au courroux des dirigeants de clubs qui estiment non seulement ne pas avoir été consultés entant que propriétaires de clubs, mais aussi trouvent la mesure salariale pas suffisamment réaliste au regard de l’environnement du Football Professionnel Camerounais. Toute chose qui implique de jeter un regard sur les recettes des clubs d’élite au Cameroun.
Les revenus d’un club professionnel au Cameroun !
De manière générale, l’économie d’un club de football professionnel est adossée sur quatre piliers fondamentaux. Il s’agit de la Billetterie (vente de billets pour assister aux matchs dans les stades), des Droits télévisuels (cession du droit de retransmettre les matchs à la télévision), du Sponsoring (cession, à une entreprise, du droit de communiquer en utilisant l’image du club) et du merchandising (vente de maillots essentiellement). Pour le cas du Cameroun, seul le sponsoring est réellement effectif sous l’ère Samuel Eto’o, avec l’apport de MTN, 1Xbet et Tiof qui sont les principaux sponsors du championnat. Dans l’apport de ces sponsors, la FECAFOOT a décidé sur les deux dernières années d’attribuer 43 millions à chaque club chaque saison, leur imposant d’utiliser ce montant pour le paiement des salaires des joueurs. À côté, les droits télévisuels sont inexistants, la billetterie juste symbolique du fait de la très faible affluence des stade (moins de 18%): ce qui a un impact considérable sur le Merchandising, lui aussi inexistant. Face à ces difficultés, les clubs auraient pu compter sur la vente des joueurs, sauf que la valeur du joueur d’Elite au Cameroun actuellement est en chute libre: Pas un seul recruteur d’un club du Top 10 Européen ne s’intéresse aux joueurs des championnats professionnels locaux camerounais. Sans niches de recettes financières, les présidents de clubs sont contraints de mettre la main dans la poche.
Que dépense un club d’Elite au Cameroun ?
Les dépenses annuelles d’un club de première division au Cameroun oscillent entre 180 et 200 millions de FCFA sur une saison. Avec en moyenne 30 joueurs, rémunérés à 200 000 FCFA chacun, la masse salariale annuelle uniquement pour les joueurs est égale à 72 millions, soit presque le double du montant versé (à grand renfort de chantage) par la fédération pour le sponsoring. À ce montant il faut ajouter environ 30 millions pour le Staffs technique, médical, et les quelques employés. La prime d’entraînement hebdomadaire pour un club est estimée à 200 mille FCFA, sur 10 mois, elle monte à 8 millions.
Pour un club qui dispute quatre matchs par mois, il faut prévoir en moyenne un million par match pour le transport, l’hébergement et la restauration, non compris les primes. On peut y ajouter d’autres formalités de début de saison, ainsi que les primes de signature de contrats de certain joueurs qui font grimper le budget. Tout cela pris en compte justifie le montant estimatif évoqué plus haut pour le fonctionnement effectif d’un club sur une saison.
Le Football : Mécénat ou réel investissement rentable pour les présidents de clubs au Cameroun ?
Tout investissement a pour vocation d’être rentable. C’est ainsi qu’en occident par exemple, investir dans un club professionnel de football est pour la plupart du temps, un business plutôt très enrichissant, du fait d’une économie du sport très développée, dans laquelle chaque maillon de la chaîne joue efficacement sa partition. Les fédérations et les Ligues qui organisent, les clubs qui font le spectacle, les sponsors, le diffuseurs, et même les supporters, tout est réuni pour garantir une rentabilité certaine à l’activité. Au Cameroun par contre, la grande majorité des apports dans le financement des activités quotidiennes d’un club d’élite, est le fait des efforts personnels des actionnaires, en raison d’une économie du football quasiment embryonnaire pour ne pas dire inexistante. L’enveloppe issue du sponsoring représente à peine 1/4 du budget global d’un club. Avec des gradins à très faible affluence, une absence de réel diffuseur et de produits de merchandising, nul doute que l’investissement dans le football d’élite au Cameroun reste du pur mécénat. Les dirigeants de clubs servent le football au Cameroun plus qu’ils ne s’en servent. Vu sous cet angle, il devient donc évident que les exigences de la Fédération vis à vis des clubs dits professionnels sont aux antipodes des capacités de ces derniers, et frisent la démesure. Il est donc urgent de bâtir une réelle économie du football au Cameroun basée sur de vrais piliers, pour nourrir l’ambition de voir les footballeurs vivre décemment de leur art. Et cela passera inéluctablement par un assainissement de l’écosystème dans son entièreté.