L'incontournable du football africain

Riyad Mahrez à la croisée des chimères !

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Manchester, England, 19th January 2023. Riyad Mahrez of Manchester City celebrates scoring their fourth goal during the Premier League match at the Etihad Stadium, Manchester. Picture credit should read: Darren Staples / Sportimage – Photo by Icon sport

Un mois est passé depuis mon dernier décryptage intitulé « Karim, nouveau prince d’Arabie !» dans lequel j’essayais de lire pourquoi et comment l’Arabie saoudite comptait apprivoiser son football local, la Super League en particulier.

Les 20 milliards de dollars injectés ne ciblaient pas seulement les vedettes, ces acteurs qui font le spectacle sur un terrain, et dieu seul sait que les saoudiens ont lourdement investi sur l’infrastructure avec des stades grands et ultramodernes, mais sont destinés à soigner l’image d’un royaume plutôt apprécié pour ses richesses en pétrole et gaz et ses lieux-saints. Le roi et princes d’Arabie avaient particulièrement misé sur une arrivée de rêve.

Léo Messi était ce messie attendu, espéré, pour marquer les esprits. Il n’y a qu’à voir le montant proposé par Al Hilal au champion du monde argentin : un pont d’or valorisé à 400 millions à renouveler trois ans durant. C’était en mai et la « Pulga » venait juste de boucler une saison éprouvante mentalement avec le PSG parrainé par un autre prince d’Arabie, Nasser El-Khelaïfi « NAK » pour les intimes.

L’actualité qui a suivi le pèlerinage de Messi en Arabie saoudite où il a discuté mais pas décidé de son avenir n’a jamais été aussi assourdissante. Si le clan Messi fantasmait sur les projets qui seront montés avec une telle cagnotte des pétrodollars, la presse occidentale se levait tel un seul homme pour dénoncer ce qu’elle qualifiait de rapt footballistique.

Si Messi n’a rien demandé, il a semblé entendre la voix de ces occidentaux qui veulent être les maitres partout et de tout. Messi a entendu raison et a choisi d’aller terminer sa carrière de footballeur aux Etats-Unis sans vraiment trop perdre au change, financièrement parlant vu les contrats signés(droits Tv, droits d’image etc.).

Puis vint le prince Karim, transféré de son légendaire Real Madrid vers l’Ittihad Djeddah. Moins d’argent certes pour le « Nueve », mais un tonnerre de déclarations de la part de ceux qui voient en Karim Benzema un vieillissant chasseur de primes. Mais le « rebelle » attaquant aux origines algériennes est resté de marbre en signant dans le faste son contrat dans un stade « heureux » d’accueillir le roi de la coupe aux « grandes oreilles ». Un public heureux mais qui espérait d’autres renforts de ce calibre. Un autre Karim, prénommé aussi Riyad, de son nom paternel Mahrez, était et est encore attendu par le Hilal de Djeddah. Lui est d’accord, car, trop peu utilisé par Guardiola à City, il se dit qu’une offre de 45 millions d’euros ne se refuse pas. A 32 ans révolus, le capitaine des Verts ne pourra pas espérer mieux surtout que, footballistiquement parlant, il a tout gagné. Et le Hilal ne serait pas le seul à vouloir s’attacher les services de l’algérien puisque le Ahli SC serait en embuscade pour gagner une « bataille » qu’arbitrera l’entraineur des Mancuniens Pep Guardiola.

Mahrez l’a d’ailleurs reconnu aux émissaires saoudiens qui se seraient renseignés sur son désir de rejoindre l’Arabie saoudite dès cet été. Si Bernardo Silva s’en va de Manchester, il sera difficile au natif de Sarcelles de quitter le club anglais.

Il faut dire que l’avis de Guardiola, seul, ne serait pas si déterminant si une certaine presse ne s’était mêlée pour fixer les barrières et dresser les barbelés aux vedettes de la Premier League grandement ciblées par les saoudiens. Le sénégalais Kalidou Koulibaly et le français Ngolo Kanté ont déjà posé leurs valises en Arabie saoudite où ils vont croiser l’ex-chef de file des canonniers européens, Cristiano Ronaldo. Tiens, le club de CR7 vient de se voir interdire le recrutement par la Fifa dans un premier pas des décideurs du sport roi pour mettre un terme à cet exode.

Ce « massacre », comme titrait un site français, qui pourrait saigner l’Europe de ses symboles, même vieillissants comme Kroos et Modric, et des joueurs comme Henderson et Fabinho(Liverpool) qui auront du mal à rallier Al-Ittifaq, club entrainé par la légende des Reds Steven Gérard. Comme il n’est pas interdit d’interdire, le bras de fer sera réglé sous d’autres formes. L’Arabie saoudite a assez de liquidités pour financer les grands clubs du vieux continent…

Pendant ce temps, l’Afrique suffoque !

N’est-ce pas là une nouvelle forme de colonisation ? L’Afrique en a en tout cas compris que l’argent n’est pas que le nerf de la guerre. C’est la guerre en bonne et due forme. La CAF de Patrice Motsepe a pris l’initiative d’associer l’image du football africain avec les saoudiens à travers certains partenariats « win-win ». Cela a commencé par un accord signé en mai dernier dont la durée est de cinq années. S’il est question d’une coopération pour le développement du football en Afrique, ce contrat historique a des relents diplomatiques. Connue pour être un terrain d’exercice du « soft power », l’Afrique s’alignerait, à travers cet accord, dans la stratégie du gouvernement saoudien d’investir dans le football pour devenir plus qu’une monarchie du pétrole. L’expérience menée par le voisin du Qatar a donné des idées aux émirs de Riyad.

Or, que gagnerait réellement le football africain dans cette alliance à coup de millions de dollars.

Le communiqué conjoint de la CAF et de la SAFF évoquait l’organisation conjointe d’ateliers et de séminaires destinés aux officiels de matches, et des échanges de bonnes pratiques sur des domaines tels que « l’organisation de matches, le marketing, les médias, l’arbitrage et la sécurité ». Des « avantages » que la Fifa accorde à tous ses affiliés…

En filigrane, Patrice Motsepe espérait financer son projet de Super League africaine. Une épreuve que le sud-africain, soutenu par un certain Gianni Infantino, le vrai initiateur d’une telle compétition qu’il voulait imposer à l’Uefa, en vain, pensait mobiliser 200 millions de dollars. Avec des finances au rouge, la CAF de Motsepe n’avait pas que ses yeux pour pleurer sans l’aide des saoudiens. Ces derniers qui envisageaient de se lancer dans la course au Mondial-2030 ont fini par tempérer leurs ardeurs.

S’engager dans la voie d’organiser l’édition 2030 se heurtait à deux obstacles majeurs: tacitement la FIFA est pour l’attribution de la Coupe du monde 2030 à l’Europe ou à l’Afrique. Du point de vue de la CAF, se ranger derrière l’Arabie Saoudite dès 2030 conduirait à revenir sur le soutien déjà apporté au Maroc, officiellement candidat pour cette même édition aux côtés de l’Espagne, du Portugal et probablement l’Ukraine, ses voisins européens.

C’est pourquoi, l’Arabie Saoudite se rabat sur une option plus réalisable, celle d’accueillir l’édition de 2034. Comme ça, « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».

En réalité, la CAF gagnerait au change, mais pas le continent africain. Pour cause ! Le lancement d’une compétition réservée exclusivement aux riches exclurait une grande majorité de fédérations, celles qui aujourd’hui n’ont pas de stades pour que leurs sélections reçoivent leurs hôtes vraiment à domicile.

Le tirage au sort des qualifications au Mondial de l’Amérique du nord (USA, Canada et Mexique) prévu en 2026 a de nouveau fait ressortir cette gêne de la CAF à voir plus de 60% des matches de poules se jouer soit au Maroc, Egypte, Algérie, Afrique du Sud et quelques pays dont l’infrastructure dispose des commodités fixées par l’instance africaine. Il est aberrant de noter que la CAF invite à sa nouvelle épreuve phare, la Super League africaine, des clubs comme le Horoya Conakry et le TP Mazembe dont les sélections reçoivent régulièrement au Maroc. S’il n’est pas question dans notre propos de dénigrer deux équipes, deux pays aussi, qui ont un certain vécu dans le football africain, il est permis de douter à propos des vraies motivations de ce choix fait par la CAF.

Une confédération qui a le « don » de cultiver les paradoxes, faut-il préciser. Sinon, comment interpréter que des pays dont le rôle dans le football africain est juste insignifiant mais qui sont bien représentés dans les structures techniques et sphères de décisions de la CAF que par une réelle envie d’embrigadement, attitude héritée chez les colons d’hier et d’aujourd’hui. Qu’on s’appelle Motsepe, Senghor, Lekdjaâ, Yahya, Mbombo Njoya, Waberi ou Abou Rida, le « mode d’emploi » ne change pas. Il est vrai qu’à la croisée des chimères, tous les rêves sont permis. A bon entendeur !

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