S’il y a une personne en mesure de parler du football algérien c’est sans doute Ali Fergani. De par son statut d’ancien international algérie, ancien sélectionneur des fennecs, ancien joueur de la glorieuse équipe de la JS Kabylie pour ne citer que ceux-là.
Usant de son habituel franc parlé, l’architecte a accepté d’évoquer la situation qui prévaut dans le football algérien. Il est revenu dans cet entretien sur la formation de base qui, selon lui, est primordiale pour former l’élite de demain.
Monsieur Fergani, les différentes sélections nationales algériennes multiplient les échecs lors des compétitions continentales. Pour preuve, même la sélection U 17 est sortie sur la pointe des pieds lors de la CAN U 17 pourtant organisée en Algérie.
Selon vous, quelle est la raison de ce cuisant échec ?
Sincèrement, je n’ai pas réussi à suivre la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations U 17. J’étais en déplacement à l’étranger. Par conséquent, je ne peux commenter ou encore analyser le parcours de la sélection algérienne. Toujours est-il que ces échecs au niveau des sélections algériennes est difficile à digérer. Cela prouve que la balle ronde de notre pays est malade. Et ça dure depuis belle lurette. A mon sens, il est temps de mettre aux oubliettes tous ces déboires et retrousser les manches pour trouver les solutions adéquates en vue de redorer le blason terni du football algérien.
En votre qualité de technicien spécialiste, qu’est ce qu’il faudra justement pour que l’Algérie puisse obtenir de meilleurs résultats à l’avenir ?
Il n’y a pas de secret. Seul le travail finira par payer. Vous savez, le professionnalisme a été lancé en 2009. Et parmi les mesures d’accompagnement est de permettre justement à ces clubs de bénéficier des assiettes de terrains pour la construction des centres de formations et de base de vie pour les clubs. C’était une excellente initiative. Mais 14 ans après, les choses n’ont pas avancé d’un iota. Les travaux de certains centres à l’image de celui du MC Alger ou encore de l’USM Alger tournent au ralenti.
Pis encore, un club de la JS Kabylie qui est la seule équipe de football professionnelle dans la wilaya de Tizi-Ouzou ne dispose même pas de sa propre base de vie. Comment voulez-vous entamer un processus de formations sans moyens, sans infrastructures dignes ? Pourtant, il suffit d’un rien pour réussir.
Vous savez, à l’époque, l’équipe algérienne de 1982 qui a battu la grande Allemagne était constituée essentiellement par des joueurs évoluant dans le championnat algérien. Plus de 80% de l’effectif était issu de différents clubs d’Algérie. Il y avait aussi des éléments évoluant à l’étranger. C’est pour vous dire que le niveau dans le championnat algérien était fort. Nous avons réussi à rivaliser avec les meilleures nations au monde.
A mon avis, il faudra revenir à la formation de base et au sport scolaire qu’on accordait de l’importance. Nous avons mis ces formules de réussite au placard.
L’on comprend par là que le football algérien a emprunté une mauvaise direction ?
Il faut avoir le courage et le dire en toute franchise. Sans les joueurs professionnels évoluant en Europe et particulièrement en France, l’Algérie n’aura jamais pu avoir une équipe nationale aussi forte. C’est une vérité à ne pas omettre.
Le mieux est d’essayer de former les jeunes algériens qui se trouvent dans le pays et leur offrir toutes les conditions et les accompagner. Je ne dis pas qu’il faudra fermer la porte à nos enfants expatriés. Mais cette recette va nous permettre de non seulement hisser le niveau du championnat algérien mais surtout créer une concurrence rude au niveau des équipes nationales.
Ne pensez-vous pas qu’on manque aussi de formateurs et d’encadreurs ?
Je le dis et je le répète, nous avons de bons techniciens dans notre pays qui n’ont demandé qu’avoir les moyens pour justement gravir les échelons avec ces futurs talents. Il faudra les mettre dans des conditions optimales. Il faudra aussi que nos clubs réapprennent à faire confiance aux entraîneurs locaux qui, à mon humble avis, n’ont rien à envier par rapport aux techniciens étrangers présents en Algérie. Je veux aussi soulever un point très important. Il s’agit de la responsabilité des clubs pour le développement du football national.
L’on comprend par-là que même les clubs ont une part de responsabilité par rapport à ce qui se passe actuellement ?
Bien entendu. Il n’y aucun club professionnel qui pense à la formation. Exception faite pour le Paradou AC détenu par la famille Zetchi. Ce club n’a pas de pression par rapport aux supporters. Ça reste un modèle réussi en Algérie. Mais je peux vous dire que les clubs algériens ne sont pas sur le même pied d’égalité.
Que voulez-vous insinuer par-là ?
Il existe plusieurs clubs qui sont détenus par des sociétés étatiques, à l’image de Sonatrach (MCA), Enafor (JSS), Madar (CRB), pour ne citer que ceux-là. Je me demande pourquoi ces clubs n’ont pas de sociétés comme actionnaires majoritaires. Je trouve cela anormal.
Vous savez, la crise financière a touché des clubs comme le NAHD qui s’est targué d’être un club formateur par excellence. J’ai suivi mon cursus au sein de cette équipe et, croyez-moi, nous avons bénéficié d’une solide formation. Maintenant, le NAHD est carrément aux oubliettes et se trouve en deuxième division. Idem pour le RC Kouba, l’ASMO, Annaba et d’autres.
Et qu’est ce qu’il faudra faire justement pour mettre un terme à cette situation ?
Commencer à former dès maintenant. Nous ne pouvons pas attendre éternellement. Il faudra commencer et s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. A mon sens, la France est l’un des meilleurs pays formateurs. Justement, il faudra s’inspirer du modèle français pour hisser notre niveau. Je souhaite vivement que les choses s’améliorent car sans une vision à long terme, nous ne pouvons jamais rivaliser avec les meilleurs.