A Kigali, où la FIFA tiendra son Congrès électif pour offrir un troisième mandat à Gianni Infantino, les membres des 54 associations nationales d’Afrique se croiseront une dernière pour « réfléchir » et conseiller à Motsepe et son bureau exécutif de la CAF quelle destination prendra la 35è édition de la CAN. Maroc ou Algérie ?
L’Afrique dans tous ses états. Le scénario vaut à tous les sujets d’un quotidien épicé par des ingrédients pas souvent authentiques. En football, sport pratiqué à grande échelle malgré des moyens embryonnaires, la cause est d’autant plus entendue que, comme souvent, la politique s’en mêlait.
Les plus vieux parmi nos lecteurs se souviennent de ces matches de gala qui opposaient durant les années sixties et seventies les sélections africaines à la Seleçao du Brésil ou bien à des clubs cariocas.
La légende Pelé et les Champions du monde brésiliens ont ainsi été conviés à étaler leurs prouesses en Algérie, en RD Congo (ex-Zaïre), au Sénégal et au Nigéria pendant des tournées dites « pour les indépendances » à défaut d’être celles conçues pour apaiser les conflits comme ce fut le cas durant le conflit armé des Biafra à Bénin-City(Nigéria). Cela a suffit pour apaiser les tensions et à cesser l’effusion du sang.
Depuis, l’Afrique a connu bien de malheurs. Le génocide des tutsis étant cette tâche noire qui a marqué l’histoire du Rwanda et de l’humanité.
A cela plusieurs raisons, la plus pernicieuse demeure cet expansionnisme sans limite des chercheurs d’or, de diamants et de tout ce qui brille. Qui enrichit plus rapidement. L’alliance mines- chite étant le dernier acte de cette fratricide guerre que se livrent les bourreaux de l’Afrique. Et c’est le chemin qui nous conduit à parler…football.
Lekdjaâ- Motsepe, l’alliance toute naturelle !
Un monde où le spectacle n’est pas spécialement celui qu’on voit sur les terrains et devant les milliers de fans.
Si le rond cuir fait tourner les têtes aux peuples, certains se sont même échangés des salves d’armes lourdes à cause d’une partie de football, celui-ci fait le bonheur de beaucoup de riches dans ce monde. Ces derniers font semblant d’être les meilleurs amis du sport roi en parrainant ou en créant des clubs et des compétitions. Pas besoin d’exemples de ces milliardaires qui font les yeux doux aux légendaires clubs de football en Angleterre, Espagne, France et en Italie.
En Afrique, même s’ils ne sont pas nombreux, ces magnats font parler d’eux en bien, même si leur mainmise sur les économies des pays fait beaucoup de mal aux peuples.
Ce n’est pas étonnant d’apprendre qu’un certain Patrice Motsepe faisait partie du très fermé conglomérat des riches au monde. Le magnat sud-africain des mines pèse selon les dernières révélations de Forbes 2,9 billion de dollars. Soit la deuxième fortune mondiale d’un homme de couleur. Motsepe fait partie des quatre plus riches milliardaires de couleur. Il arrive derrière l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote(11,5 billions), mais devant l’américaine Oprah Winfrey(2,7 billions dollars), une animatrice et productrice de télévision et de cinéma, actrice, critique littéraire et éditrice de magazines et le rappeur américain Jay-Z(1,3 billions dollars). Le président de l’African Rainbow Minerals dispose de son club de football, Mamelodi Sundowns qu’il a créé en 1970, avant de le confier à son fils depuis qu’il a été élu à la présidence de la CAF. Bien qu’il soit le propriétaire d’un club de football, Patrice Motsepe ne sait même pas effectuer deux jongles…C’est l’argent et ce qu’il génère comme pouvoir qui l’a incité à faire le pas de se présenter aux élections de la CAF en mars 2021.
Evidemment, Motsepe ne s’est pas invité de force. Il a été soigneusement sondé et préparé à supplanter le malgache Ahmad Ahmad dont le règne n’aura duré que deux petites années tête de la plus corrompue des confédérations africaines.
En effet, Ahmad a été poussé vers la sortie à cause entre autres d’une sordide affaire de voyages payés pour certains membres de l’AG en partance vers la…Mecque. La FIFA s’en saisira en le suspendant pour 5 ans.
Le TAS de Lausanne auprès de qui Ahmad a sollicité l’arbitrage l’a condamné pour deux ans « pour acceptation et distribution de cadeaux et autres avantages » ainsi que « détournement de fonds ». Cruel sort pour quelqu’un qui a servi de « dynamite » lors de la mise à l’écart du camerounais Issa Hayatou, accusé pratiquement des mêmes griefs.
Une cabale qui avait été menée par les soins de…Gianni Infantino, président de la FIFA, et sur le sol du royaume chérifien.
Rapt à Rabat
C’est en effet au Maroc que le « scénario» désiré par l’Italo-suisse a été exécuté. Le premier coup de force faisait suite à l’entêtement de Hayatou à ne pas abandonner l’idée d’une CAN biennale alors qu’Infantino, sous l’influence du G-18 et de l’UEFA, voulait une phase finale de la Coupe d’Afrique des nations chaque 4 ans.
L’ancien ministre de la pêche et des ressources halieutiques malgache était un élément perturbateur dans le fonctionnement de la FIFA tel qu’imaginé par Infantino. Son dégommage était considéré comme une action de salubrité publique.
On était alors en 2021 et Infantino se projetait (déjà) sur le Congrès électif de la FIFA prévu ce jeudi à Kigali(Rwanda).
Une assemblée où la voix de l’Afrique est omnipotente. C’est la première synthèse à faire pour expliquer le pourquoi de cet intérêt de l’ancien Secrétaire général de l’instance faitière du football mondial. Un dirigeant qui a déjà fait ses « preuves » en matière de dégommage en étant derrière la mise à la porte de son ex-président à la FIFA, Sepp Blatter. C’est un peu lui l’instigateur du Qatargate qui a parasité Blatter et Platini. Et c’est lui qui a tout réfléchi pour que la CAF ait Motsepe comme président.
Pour remplacer Ahmad Ahmad, Infantino a pris son jet privé et a sillonné l’Afrique. La mission est de faire campagne pour le milliardaire sud-africain, un inconnu au bataillon si ce n’est qu’il présidait les Mamelodi Sundowns, équipe qui dominait le championnat sud-africain en dépit du fait que son intronisation dans le circuit professionnel était récente(1996).
Pour un Italo-suisse qui a appris à vivre dans la fausse neutralité, se servir d’intermédiaire serait l’idéal pour affirmer son pouvoir. Un rôle confié et bien assumé par le marocain de service Faouzi Lekdjaâ qui, fraichement coopté au Comex de la CAF, mènera la mission de sensibiliser ses pairs du bureau exécutif de la bonne cause et de la justesse de la stratégie de Gianni Infantino. Jacques Anouma, candidat déclaré à la succession de Ahmad abandonne le combat à la veille du Congrès électif de la CAF en mars 2021 à Rabat. L’ivoirien ne sera que le dernier à faire acte d’abandon, deux autres ayant capitulé suite aux ordres d’Infantino. Ce sont le mauritanien Ahmed Yahya et le sénégalais Augustin Senghor qui avaient accepté de se faire coopter dans des rôles de vice-présidents au sein de la Confédération.
Le président choisi par Infantino incarnait, lui, la puissance financière que le projet de la FIFA souhaitait. Motsepe a accepté le challenge car promesse lui a été faite que son club fera partie de la crème des clubs en Afrique et à travers le Monde. La Super League africaine étant l’autre priorité absolue à atteindre par Infantino, incapable d’imposer cette formule aux européens. Pour séduire les africains, Infantino a fait la promis un revenu de 200 millions dollars. Pas mieux pour opérer le tour de vis.
Le Maroc, pour qui la promotion Motsepe n’était qu’un moyen de se rapprocher d’Infantino, sera le premier à en tirer bénéfice de cette cooptation contre-nature. Le sud-africain s’est vu notamment octroyé des marchés dans les assurances au Maroc par le biais de son groupe Sanlam Pan Africa. La relation Lekdjaâ- Motsepe est fusionnelle, Infantino peut lancer sa danse du ventre…
La baraka d’Infantino
En filigrane, le Maroc de Mohamed VI a d’autres visées. Contrarier le voisin de l’Est par un « segment » qui avait permis à Bouteflika de pérenniser son pouvoir quatre mandats durant, le cinquième ayant foiré aussitôt le sacre de Belmadi et ses Verts fêté en Egypte, autrefois pôle de toutes les décisions que prenait la CAF. Une Egypte qui n’a pas oublié Oum Dourman et qui a laissé faire les choses…Oum Eddounia a d’autres chats à fouetter que de se bagarrer pour le maintien sur son sol du siège de l’instance de football africain.
D’ailleurs, le nouveau chef de file de la Confédération se rend rarement dans ses bureaux sis à la Cité du 6-octobre au Caire. Son passage dimanche au siège cairote où il a passé quelques heures avec le personnel de la Confédération a été un « évènement » relayé par le site de la CAF.
Tout se décide à Rabat, en définitive, depuis que Hayatou a perdu son bras de fer avec Lekdjaâ. Le Prince de Garoua avait songé sérieusement à transférer le siège de la CAF dans son Cameroun, à Yaoundé, mais son projet n’a pas survécu à l’invasif président de la FRMF. Un Lekdjaâ inspiré par les conseillers du Makhzen). Qui se permet tout. D’abord, défier le pouvoir des égyptiens sur l’institution du football africain, lui qui avait annoncé que son pays offrirait un édifice flambant neuf en plein Rabat qui servira de nouveau siège à la Confédération. Diabolique s’il en est, ce projet est en cours de concrétisation. L’objectif étant toujours de prouver que le Maroc peut étaler son règne sur le continent autrement qu’à travers l’UA.
Sous couvert de diplomatie sportive, et pour asseoir ses assises, le Maroc a monté de nombreuses fédérations nationales du continent contre l’Algérie en leur proposant une coopération « sadaka-sadaka », qui ne coûterait rien à leurs faibles trésoreries sauf que, politiquement parlant, elle forgera la domination du Maroc quand celui-ci aura besoin des voix et des voies pour faire du mal à son « adversaire ».
A ce titre, l’épisode de l’arbitre Gassama restera ce cas d’école dont personne n’oubliera la leçon.
Dans ce malheureux coup fourré des marocains, il est évident que la FIFA n’était pas innocente. Par l’entremise de Fatma Samoura, chassée de la CAF par Ahmad Ahmad mais récupérée par Infantino comme SG de l’instance internationale. Mais également le président de la FIFA en personne qui disait tout ignorer de l’affaire. Sans l’implication d’Infantino, le Maroc n’aurait jamais osé. Un royaume que le président Infantino considère comme sa deuxième demeure (il en a une autre au Qatar). « C’est ma maison, ici, quand je viens je me sens chez moi. Je remercie sa Majesté le roi Mohamed VI, mon frère Lekdjaâ… », se plait-il à rappeler quelques minutes à chaque fois qu’il met les pieds sur le tarmac de l’aéroport Rabat-Salé. Un Infantino qui préfère chercher des soutiens là où il faut.
Les dernières pérégrinations du président de l’instance international de football en Afrique n’étaient pas uniquement destinées à convaincre les électeurs de voter pour un candidat unique mais certainement pour apporter un soutien sans condition à un Maroc qu’Infantino qualifie de « locomotive pour le développement dans le continent ».
Infantino ne pensait pas bien dire, la CAF lui emboitera le pas en prévoyant de rendre hommage ce mardi 14 mars au roi du Maroc pour ses « réalisations exceptionnelles ».
Que faut-il de plus pour s’en convaincre que tout est ficelé quant à la décision d’attribuer l’organisation de la CAN-2025 aux marocains ?
Le « verdict » ne sera livré qu’ultérieurement, un site marocain (le360sport.ma) révélera que la CAF enverra des missions d’inspections dans les pays candidats à partir du 20 mars, il est quasi-acté que la décision du Comex de la Confédération africaine est prise et que l’annonce ne sera que pure formalité.
Motsepe qui donne l’impression de vouloir une délibération juste et équitable sait bien qu’il n’a pas les coudées franches.
Mêlé récemment à une relation tumultueuse avec l’actrice sud-africaine Katlego Danke, le beau-frère du président sud-africain Cyril Ramaphosa sait bien qu’une partie de football ne dure pas plus qu’un temps et que ses affaires comptent le plus et pour toujours. C’est pourquoi trahir ses promesses ne serait pas surprenant lui qui rappelait qu’il ne représente qu’un avis parmi les 25 membres du bureau exécutif de la CAF.
N’est-ce pas lui qui, lors du Forum économique de Davos en 2020, glissait à Donald Trump que « L’Afrique aime l’Amérique. L’Afrique vous aime » s’attirant les injures de ses compatriotes qui lui rappelaient l’indifférence du président américain à l’égard du mouvement Black Lives Matter. Invité plus tard à s’expliquer, le milliardaire sud-africain s’est enfoncé en avançant que son propos était davantage une manière de « rapprocher l’administration Trump avec les entrepreneurs du continent »…