Pour la troisième année consécutive, les CAF Awards se tiendront à Marrakech, le 16 décembre 2024. Ce qui aurait pu être un moment de célébration et d’unité pour le football africain est devenu un événement qui divise et soulève de nombreuses interrogations.
Entre favoritisme géographique, critères de sélection opaques, et absences de luxe parmi les nominés, cet évènement s’enlise dans la controverse. Reconnu pour sa liberté de ton AfricaFootUnited exprime sans détour ses réserves à l’égard des CAF Awards, souvent décriés pour leurs choix controversés.
Cependant, fidèle à ses principes, le média félicitera le lauréat quel que soit son nom et sa nationalité.
Retour sur les nombreuses failles de cet événement censé être le sommet du football africain.
CAF Awards : La marionnette d’un lobbying bien orchestré
Les CAF Awards, autrefois conçus comme une vitrine prestigieuse du football africain, semblent désormais être les otages d’un lobbying puissant et méthodique.
La mission première des CAF Awards devrait être de récompenser les meilleures performances sportives africaines. Pourtant, les décisions prises par la CAF semblent motivées par des considérations autres que sportives. En effet, les CAF Awards semblent de plus en plus gouvernés par un lobbying.
Ce dernier est devenu malheureusement une arme incontournable dans les coulisses des CAF Awards. Les États, clubs, agents de joueurs et sponsors influents semblent peser davantage dans la balance que les exploits réalisés sur le terrain. Cette influence invisible se manifeste à travers des nominations et des choix qui ne reflètent pas toujours les réalités sportives.
Pourquoi pas une rotation géographique équitable ?
Le choix récurrent du Maroc comme hôte des CAF Awards met en lumière l’impact considérable de la politique et des stratégies de lobbying dans les décisions de la Confédération Africaine de Football (CAF). Certes, le Maroc dispose d’infrastructures éprouvées, mais pourquoi accorder systématiquement cet honneur au Royaume alors que d’autres nations africaines, comme l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Égypte, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, disposent également des capacités nécessaires pour accueillir de tels événements ?
Ce favoritisme apparent s’inscrit dans un cadre géopolitique où le Maroc, grâce à un lobbying méthodique et à une stratégie bien huilée, s’est imposé comme un acteur clé du football africain. La figure de Fouzi Lekjaa, président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) et membre influent du comité exécutif de la CAF, incarne cette puissance d’influence. Bras droit de Patrice Motsepe, président de la CAF, Lekjaa est omniprésent dans les cercles décisionnels, jouant un rôle central dans l’orientation stratégique de l’organisation. Sa proximité avec les hauts responsables de la CAF et son implication dans plusieurs dossiers majeurs renforcent cette perception de domination marocaine.
Pourquoi une rotation géographique équitable des événements n’est-elle pas mise en place pour refléter la diversité et la richesse du continent ? Le football africain ne se résume pas au Maroc !
Odilon Kossounou : L’oubli incompréhensible des CAF Awards 2024
Malgré une année exceptionnelle marquée par des victoires prestigieuses, dont la CAN 2023, la Bundesliga, la Coupe d’Allemagne ; Odilon Kossounou ne figure pas parmi les cinq finalistes du Ballon d’Or africain 2024. Une décision qui défie toute logique et jette une ombre sur la crédibilité des CAF Awards.
Kossounou semblait être un favori incontestable pour décrocher le Ballon d’Or africain 2024. Défenseur central de haut niveau, il s’est imposé comme un maillon essentiel en club comme en sélection nationale. Pourtant, la Confédération Africaine de Football (CAF) a choisi de l’ignorer, au grand étonnement des observateurs, au profit de son compatriote Simon Adingra, dont les performances, bien qu’honorables, ne soutiennent pas la comparaison. Adingra, joueur de Brighton & Hove Albion, n’a ni le palmarès ni l’influence déterminante de Kossounou sur le terrain, que ce soit en club ou en sélection. Alors, comment expliquer cette omission ?
Salah et Marmoush oubliés : quand les CAF Awards tournent le dos au mérite
L’exclusion des deux stars égyptiennes Mohamed Salah et Omar Marmoush de la liste des finalistes du Ballon d’Or africain 2024 est un choix incompréhensible, qui illustre les dérives inquiétantes de la Confédération Africaine de Football (CAF).
Salah, véritable pilier de Liverpool et l’un des joueurs les plus réguliers de la Premier League, continue d’éblouir par son influence et ses performances dans le meilleur championnat au coefficient UEFA. Quant à Marmoush, il s’est affirmé comme une étoile montante de la Bundesliga, enchaînant les prestations solides au sein de son club, Eintracht Francfort, et de la sélection égyptienne.
Pourtant, la CAF a choisi une nouvelle fois d’ignorer ces accomplissements remarquables, alimentant ainsi une controverse croissante sur la légitimité de ses décisions.
Ce qui intrigue davantage, c’est la nomination d’Achraf Hakimi, bien que talentueux, dont la saison avec le PSG ne soutient pas la comparaison avec celle de Salah ou Marmoush. Certes, Hakimi a remporté la Ligue 1, mais dans un championnat jugé moins compétitif que la Premier League ou la Bundesliga, ce titre semble insuffisant pour justifier sa présence parmi les finalistes. Sa nomination apparaît moins comme une reconnaissance de ses performances sportives que comme une récompense symbolique liée à l’influence du Maroc sur la CAF.
Malheureusement, les CAF Awards semblent s’éloigner de leur vocation première, celle de célébrer l’excellence sportive, pour devenir un outil de promotion politique et médiatique. Comment la CAF peut-elle justifier le fait d’écarter Mo Salah qui porte les espoirs de millions de fans et continue de briller au plus haut niveau, pour privilégier des candidats dont les accomplissements sont nettement moins impressionnants ?
L’oubli de Marmoush, quant à lui, reflète une négligence flagrante envers les talents émergents qui méritent une reconnaissance sur la scène continentale.
Une chose est sûre, les décisions controversées entachent la crédibilité des CAF Awards. Mais quels sont réellement les critères d’attribution du Ballon d’Or africain ?
Des critères sur mesure chaque année
De plus en plus critiqué pour son manque de transparence et de cohérence dans les critères de sélection, le Ballon d’Or africain, est régulièrement accusé de s’appuyer sur des critères flexibles et changeants modifiés en fonction des finalistes plutôt que sur des règles prédéfinies et immuables. Année après année, des choix surprenants et des omissions inexplicables jettent une ombre sur la légitimité de ce prix, alimentant les polémiques et révélant les nombreuses failles dans son processus d’attribution.
Si un joueur excelle individuellement sans remporter de trophées, les performances personnelles sont mises en avant. À l’inverse, lorsqu’un finaliste a un palmarès impressionnant mais des statistiques individuelles modestes, le poids du palmarès devient soudainement déterminant.
Voici deux exemples flagrants d’incohérence
Sadio Mané (2019) vs Riyad Mahrez : En 2019, Mané a été sacré grâce à sa victoire en Ligue des Champions, reléguant Mahrez, pourtant vainqueur de la CAN avec l’Algérie, au second plan. La CAF a alors privilégié le palmarès en club au détriment du titre continental, une décision qui avait suscité des débats houleux.
Victor Osimhen (2023) vs Riyad Mahrez : En 2023, le trophée est allé à Victor Osimhen, champion de Serie A, malgré une année où Riyad Mahrez avait remporté la Ligue des Champions avec Manchester City. Cette fois-ci, les performances individuelles en championnat ont prévalu sur le plus grand trophée collectif en club. Deux décisions contradictoires, deux poids, deux mesures.
Tant que la CAF ne se dotera pas de critères de sélection clairs, bien définis, transparents et objectifs, ces distinctions continueront d’être perçues comme le fruit de manœuvres en coulisses plutôt que d’un processus équitable.
Rahimi, l’autre talent, zappé
Rahimi a marqué les Jeux Olympiques de son empreinte en inscrivant 8 buts, égalant ainsi un record vieux de 20 ans détenu par l’Argentin Carlos Tevez (JO 2004). Il devient ainsi le premier joueur depuis 2004 à atteindre ce total, surpassant les légendes africaines Kalusha Bwalya (6 buts en 1988) et Kwame Ayew (6 buts en 1992).
Plus impressionnant encore, Rahimi a marqué dans tous les matchs du Maroc lors de ce tournoi, contribuant directement à l’obtention d’une médaille de bronze après une victoire éclatante (6-0) face à l’Égypte dans le match de classement. Ce résultat historique pour le Maroc, dans une compétition mondiale de grande envergure, aurait dû suffire à placer son nom parmi les prétendants au Ballon d’Or africain.
Sofiane Rahimi méritait une nomination aux CAF Awards, ne serait-ce que pour honorer sa contribution exceptionnelle au rayonnement du football africain sur la scène mondiale.
Un manque de considération : De la CAF à France Football
Si la CAF, instance dirigeante du football africain, choisit régulièrement d’ignorer ou de minimiser les performances des joueurs et entraîneurs les plus méritants du continent, il n’est guère surprenant que cette logique se répercute sur la scène internationale. La récente omission d’Emerse Faé, vainqueur de la CAN 2024 avec la Côte d’Ivoire, dans les nominations du Ballon d’Or de France Football pour le meilleur entraîneur, alors que Lionel Scaloni, coach de l’Argentine, y figure, illustre parfaitement ce manque de reconnaissance.
Si la CAF ne défend pas l’Afrique, qui le fera ?
La marginalisation du football africain sur la scène internationale trouve souvent ses racines dans l’attitude de la Confédération Africaine de Football (CAF) elle-même. Si la CAF ne valorise pas ses compétitions, ne récompense pas les plus méritants et ne défend pas ses joueurs et sélections sur le plan mondial, il est difficile d’espérer une reconnaissance des instances internationales.
L’exclusion du champion d’Afrique de la Finalissima – une compétition qui met en opposition le champion d’Europe et celui d’Amérique du Sud – en est l’exemple parfait. La CAF doit défendre les intérêts du football africain auprès des grandes organisations comme la FIFA, l’UEFA et la CONMEBOL, en exigeant une place pour l’Afrique dans les compétitions internationales.
Si l’instance africaine continue à faire la sourde oreille, le football africain continuera d’être relégué au second plan sur la scène internationale.
L’Afrique voit plus grand
L’épopée du Maroc à la Coupe du Monde 2022, a démontré que le fossé entre les sélections africaines et les grandes nations du football mondial n’est plus insurmontable. En éliminant des géants comme l’Espagne et le Portugal avant de tenir tête à la France en demi-finale, les Marocains ont prouvé que les équipes africaines pouvaient rivaliser avec les meilleures.
Après l’exploit marocain, l’Afrique abordera désormais les prochaines compétitions internationales avec un mélange d’ambition et de confiance. Le Maroc a montré la voie, et d’autres sélections sont prêtes à relever le défi. Une place en finale de Coupe du Monde n’est plus un rêve pour le football africain, mais un objectif concret.