L’attaquant de l’Inter Milan et capitaine de la Selección, Lautaro Martinez, vient de dépasser Hernan Crespo au classement des meilleurs buteurs argentins avec 35 réalisations. L’ancien goleador, désormais entraîneur de São Paulo, réagit entre fierté pour son cadet et mélancolie d’une époque révolue.
Être dépassé par Lautaro Martinez ne provoque ni amertume ni jalousie chez Hernan Crespo. Bien au contraire. L’ancien attaquant du Milan AC et de Chelsea savoure la réussite de son compatriote. « C’est un attaquant complet, redoutable dans la surface, et il voit le but comme peu d’autres. Il joue pour l’équipe, communique, attaque les espaces, dribble bien. Que dire de plus ? Oui, c’est un champion », confie-t-il. Lautaro, désormais leader offensif de l’Argentine, incarne la continuité d’une tradition : celle des avant-centres totaux, à la fois puissants et altruistes. Crespo le reconnaît volontiers. « Il a du caractère. Les défenseurs le craignent et le marquent à deux. Cela montre qu’il a atteint sa pleine maturité ».
Souvenirs d’un attaquant mythique
Revenir sur ses années en sélection nationale réveille chez Hernan Crespo une vive émotion. « À chaque but, j’embrassais le maillot, un geste d’amour pour mon pays », a-t-il déclaré. Son premier but ? Contre l’Équateur, à Buenos Aires, lors des éliminatoires du Mondial 1998. Il évoluait alors dans une génération dorée : Batistuta, Verón, Simeone, Zanetti, Ortega… L’Argentine s’était inclinée en quarts de finale contre les Pays-Bas. « Ce fut une terrible déception. Nous rêvions de faire revivre la magie de Maradona et du titre de 1986, mais nous n’y sommes pas parvenus ».
En 2002, au Japon et en Corée, ce fut la désillusion : élimination dès le premier tour. En 2006, Crespo participe à une dernière Coupe du monde, perdue encore en quarts, face à l’Allemagne. « C’est un regret qui ne me quittera jamais », confie-t-il.
Le fantôme d’Istanbul
Impossible d’évoquer Crespo sans rappeler Istanbul 2005. En finale de Ligue des champions, il inscrit un doublé pour l’AC Milan avant la remontée héroïque de Liverpool (3-3, puis défaite aux tirs au but). « Pendant des années, je n’ai pas voulu revoir ce match. Ce n’est que récemment que j’ai fait la paix avec cette satanée histoire. Mais ne nous attardons pas trop, sinon je vais me remettre en colère », lâche-t-il.
Questionné sur le coéquipier le plus marquant de sa carrière, Crespo n’hésite pas. « Paolo Maldini. Il m’a appris ce qu’est un vrai capitaine ». Désormais sur le banc de São Paulo, l’ancien buteur se nourrit de l’héritage de ses mentors. « Ancelotti a été comme un père pour moi. Mourinho, un motivateur hors pair. Bielsa, un visionnaire. Je m’inspire d’eux, même si je n’atteindrai sans doute jamais leurs sommets ». Être entraîneur, c’est un autre métier. « Le joueur pense à lui ; le coach pense à trente personnes. C’est comme un professeur devant sa classe ».
Parme, Van Basten et le rêve européen
De toutes ses équipes, Parme reste sa plus belle histoire. « Ils m’ont transformé en avant-centre de classe mondiale. J’y ai gagné, j’y ai grandi », a révélé Crespo qui se souvient de ses débuts presque fortuits à River Plate : il y accompagne un ami à un essai… et finit recruté. « J’avais un poster de Van Basten dans ma chambre. J’essayais de l’imiter à l’entraînement, mais comment égaler un tel phénomène ? Il venait d’une autre planète». À 50 ans passés, cheveux grisonnants et passion intacte, Hernan Crespo regarde l’avenir avec sérénité. « J’ai d’autres choses à penser. Je suis sur le banc d’un grand club brésilien, São Paulo, et je veux l’aider à retrouver la gloire ». Mais un rêve persiste : revenir un jour en Europe. « Entraîner un club italien, ce serait boucler la boucle. Mais pour l’instant, je me consacre pleinement à São Paulo. »