L'incontournable du football africain
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Entretien Exclusif : « l’Afrique a un beau champion» Patrick Mboma

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Patrick Mboma a accordé une interview exclusive à Africafootunited au lendemain de la finale de la CAN 2023.

Le double champion d’Afrique (2000 et 2002) avec le Cameroun s’est prononcé sur la CAN ivoirienne, mais aussi sur le niveau du football africain et l’équipe du Cameroun.

AFU: La 34e édition de la CAN vient de s’achever avec le sacre de la Côte d’Ivoire au terme d’un parcours héroïque; cette compétition nous a-t-elle servi un beau champion ?

Mboma: « Oui l’Afrique a un beau champion, un surprenant champion. Parce que si le parcours a été chaotique notamment au premier tour, la Côte d’Ivoire est quand-même venue à bout de très belles nations notamment le Nigeria sur une finale qui a été dominée du début jusqu’à la fin, si ce n’est ce but de Ekong qui est plus dû à la valeur athlétique des nigérians. Les ivoiriens ont été bons, ont réussi à museler Osimhen qui était le principal danger. Donc gagner une finale avec autant d’éclat, c’est certainement que le mérite est réel pour cette formation qui a connu deux sélectionneurs pendant son parcours. »

AFU: Quand on écoute votre description, cela renvoie à quelle chose de difficilement explicable au moyen de la science du jeu. Est-ce à dire que vous pensez comme plusieurs observateurs que cette équipe était portée par quelque chose d’irrationnelle ?

Mboma: « Oui c’est une évidence ! C’est l’équipe qui n’a pas marqué assez de buts mais qui en a encaissé beaucoup, notamment le 4-0 face à la Guinée équatoriale au terme d’un match qui semblait condamner leur parcours dans la compétition. Parcours rendu encore difficile par le changement d’entraîneur, difficile par le fait que beaucoup de voix se sont levées pour décrier le fait que l’équipe manque de beaucoup de choses. Emerse Fae a réussi à trouver des éléments, certainement au niveau mental, à minima tactique, il a réussi de très bons changements, si tout n’a pas été bon, l’essentiel a été fait et la CAN s’est restée en Côte d’Ivoire ».

AFU: Il y a eu beaucoup plus de buts dans cette édition de CAN, on a vu des rencontres très disputées, et presque pas de scores fleuves, qu’est-ce qui explique cette évolution du football africain aujourd’hui ?

Mboma : « Vous parlez de la bonne chose, l’évolution. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il n’y a plus de petites équipes; il y a juste un football qui évolue, avec des équipes qui progressent, d’autre y qui stagnent et certaines qui régressent. Je ne pense donc pas qu’on doit parler de hiérarchie, car il faut un temps beaucoup plus conséquent pour parler d’une nouvelle hiérarchie dans le football africain ou non. Il est cependant évident que pour certaines nations le travail paye vraiment… Il y a beaucoup de choses qui se sont passées et qui démontrent que le football n’est pas une science exacte. Je ne sais pas pourquoi à chaque fois qu’il y’a la victoire d’un petit sur un grand, on pense directement à revoir la hiérarchie… Les nations travaillent aujourd’hui plus que hier, et ça se voit sur le terrain »

AFU: Peut-on d’après vous, dire aujourd’hui que le continent africain a réussi le challenge d’organiser une CAN qui offre des matchs de haut niveau, devant lesquels le public ne s’ennuie pas ?

Mboma: « Oui ! C’est sûr ! Le challenge a été complètement réussi. Et c’est grâce aux 24 équipes, et non le fait de deux ou trois formations. Si on devait dire quelle équipe a réalisé le plus gros exploit, ce serait très difficile de le dire à l’unanimité. Le football évolue en Afrique, avec de la structuration chez certains, et les progrès se font réellement sentir. Et quand on aura une meilleure structuration, et davantage de qualité chez les formateurs, on obtiendra de facto plus de résultats. »

AFU: Parlons cette fois de votre équipe, le Cameroun. La CAN 2023 des Lions Indomptables a-t-elle selon vous été un échec, un succès, ou alors c’était pour vous une CAN mitigée ?

Mboma: « Pour moi c’était un échec. Il n’y a eu qu’une seule victoire, et c’était en poule face à la Gambie. Et puis en huitième, il n’y a pas eu la photo finish entre les deux nations. Le Nigéria a par sa puissance et son application tactique, était bien supérieur, et je ne m’attendais pas à cela. Peu avant la compétition la Guinée battait ce Nigeria 2-0, même si vous me direz que la préparation n’a rien à voir avec la compétition, ce même Nigeria a été incapable de se défaire à domicile du Lesotho qui avait même mené. Ce Nigeria était en difficulté avant la CAN et son sélectionneur en très grande difficulté les mois qui ont précédé la CAN… Sortir aussi facilement face à cette équipe, pour moi c’était une déception, et donc un échec, surtout à cette phase de la compétition. »

AFU: Beaucoup d’observateurs s’accordent à dire aujourd’hui que le football camerounais globalement a beaucoup régressé : quel est votre avis sur la question ?

Mboma: « Il faut déjà dire que le football camerounais ce n’est pas une seule équipe, c’est un tout. Est-ce que le football camerounais est encore celui qui était capable de gagner les coupes africaines ? On sait que ça fait longtemps que non ! Si on regarde les Lions Indomptables, l’époque 82, 90, 2000, 2002, ce n’est pas ce qu’on a aujourd’hui, et ce n’est pas ce qu’on avait en 2017. Alors je pense que la roue tourne. Et que ce soit pour le Cameroun ou pour les autres, on ne peut pas toujours être au sommet. Et parfois on a des sauts et des réveils, comme ça l’a été en 2017. On ne s’y attendait pas, mais nos Lions l’ont fait, et de belle manière, en balayant de gros adversaires, notamment le Sénégal, le Ghana et l’Egypte. Maintenant est-ce que ce sont des résultats en CAN qui sont le baromètre de la santé du football dans un pays ? Je ne pense pas. Il faut juste de la méthode, et on arrivera à retrouver des résultats aussi bien chez les jeunes qu’en clubs et en équipe fanion »

AFU: Votre Rôle d’ambassadeur des Lions Indomptables, quelle évaluation en faites vous ? Et êtes-vous épanouie dans ce rôle ?

Mboma: « Déjà l’évaluation, ce n’est pas à moi de la faire. Mais je regarde la relation que j’ai avec les différents corps qui gravitent autour de nos sélections nationales, elle est bonne jusqu’ici cette relation. Je regarde ce qui se passe et je donne des avis que je pense impactant pour transformer un minimum de choses. Après pour le reste c’est au président qu’il faut poser la question, et peut-être aux autres membres des staffs. »

AFU: Patrick Mboma est-il prêt à accepter un rôle de sélectionneur du Cameroun ?

Mboma : « Oui, mais dans une autre vie, donc NON ! Je l’ai été à un moment, on ne m’a pas considéré. Ce moment c’était il y’a cinq ans, et depuis ces cinq ans je ne me suis pas assis sur un banc de touche, je ne veux pas manquer de respect à cette fonction en me croyant aujourd’hui et tout de suite capable. Je pense qu’il faudra d’abord le remettre en scène, avant d’estimer pouvoir prendre les Lions Indomptables. J’ai entendu mon nom circuler sur la toile, ce qui a très peu de valeur à mon sens, mais comme ça a beaucoup circulé il faut quand même en tenir compte. J’ai compris que c’était bien dans la tête d’un grand nombre de me voir à la tête de cette sélection, mais ma réponse elle est bien claire: aujourd’hui je n’imagine déjà pas qu’on m’appelle, ensuite je ne me crois pas être la personne idéale. »

AFU: Pour sortir, un dernier mot sur cette CAN ivoirienne… vous en avez couvert plusieurs, mais êtes-vous d’accord avec ceux qui disent que c’est la meilleure de l’histoire ?

Mboma: « J’ai un problème, c’est qu’avant qu’elle ne commence, on voulait déjà en faire la meilleure de l’histoire. Quand on veut mettre quelque chose dans la tête des gens, on se donne les moyens. Maintenant la réalité c’est qu’on a vu beaucoup de matchs étonnants, et beaucoup de buts aussi, très peu de 0-0 et ça on aime. C’était une très belle CAN, je sors de là avec un sentiment de ouf. Après je dirais que pour la billetterie il y a eu de gros couacs, la gestion des spectateurs n’a pas été bonne, dans les gradins on ne voyait plus les marches, c’était plus que la contenance normale, certains ont forcé l’entrée, ça aurait pu causer un drame, les accès pour le stade étaient très compliqués, et tout ça ce n’est pas une réussite. Après ce qui nous intéresse c’est le terrain, et là-bas les 52 matchs nous ont donné beaucoup de joie. De mémoire, c’était certainement l’une des plus belles de ce siècle, mais je garde toujours que la finale de 2000, c’est certainement la plus belle de ce siècle aussi. »

AFU: Merci

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