Entre ses 18 ans passés à la tête de la Fédération congolaise de football (Fecofa), ses 8 années au sein de la CAF et les 6 ans au sein du Conseil de la FIFA, Constant Omari est l’un des grands acteurs de l’administration du football africain de ces deux dernières décennies.
Alors qu’il s’est retiré du landerneau footbalistique depuis 2021 à la suite de la dernière Assemblée Générale de la CAF qu’il a organisée, l’ex président par intérim de la CAF n’hésite pas à se prononcer sur l’actualité du football africain quand il en a l’occasion. La dernière en date reste celle accordée à Africa Foot United à Kinshasa. Son regard sur la gestion du comité de normalisation de la Fecofa, son avis sur le premier mandat de Patrice Motsepe à la tête de la CAF ainsi que son regard sur la candidature de Samuel Eto’o pour intégrer le comité exécutif de la CAF.
AFU: Vous avez dirigé la Fédération Congolaise de football pendant près de deux décennies, 18ans donc, de votre vie dédiée à l’administration du football congolais. Aujourd’hui, vous êtes ancien Président. Quel regard portez-vous sur la gestion du comité de normalisation de la FECOFA dirigée par M.Nsambi?
OMARI: D’abord, avant de porter un jugement sur la gestion du comité de pilotage, j’aimerais d’abord dire quelle était l’opportunité de cette normalisation. C’est de là qu’on pourra comprendre si normalisation est et quels sont les résultats. Si nous faisons un pas en arrière, au lendemain de ma démission de la Fédération, comme le disent nos statuts, mon premier vice-président et les autres sont restés pour assumer l’intérim et assurer la gestion de la Fédération. Une année après leur gestion, je ne sais pas, jusqu’à présent, je n’ai pas l’explication claire de la part de la CAF qui n’a jamais justifié, qui ne s’est jamais justifié sur l’opportunité de l’instauration de normalisation, mais j’ai noté qu’une année après mon départ, on a balayé tous les amis qui étaient restés pour instaurer la normalisation. Maintenant, si le principe était qu’il y avait une mauvaise gestion et qu’il y avait une conflictualité entre le comité exécutif et l’Assemblée Générale, ou il y avait une situation nébuleuse qui faisait que la gouvernabilité de la Fédération était devenue impossible, cela pouvait se justifier.
Donc à ce moment-là, si nous partons de cette hypothèse, la normalisation allait se justifier. Mais c’est fait fort malheureusement que la normalisation n’avait que pour objectif de supprimer, d’éradiquer tout ce qui avait travaillé avec Monsieur OMARI. Et donc ils sont partis de ce postulat-là pour instaurer cette normalisation. Maintenant, dans la normalisation, quand on la met en place, puisque moi j’ai participé à la mise en place de la normalisation, en passant j’étais encore au conseil de la FIFA quand nous avions décidé d’introduire officiellement le principe de normalisation dans les statuts de la FIFA, parce qu’à l’époque ça n’existait pas. C’est un cas, comme on dit, les faits précèdent les droits, on s’est retrouvé devant les faits et qu’on a dit qu’on avait formalisé et qu’on a instauré cela, on a tourné en forme d’article qu’on a introduit dans les statuts de la FIFA. Et donc, comme on est parti de ce faux postulat, il y a un monsieur qui s’est adjugé. On ne met plus de principe qu’une normalisation se gère par la FIFA. Et à ce moment-là, la personne étant co-directeur des associations nationales de la FIFA (Veron Mosengo-Omba), il s’est approprié du dossier, il en a fait un dossier personnel. Et en faisant de ce dossier un dossier personnel, il a forcé la donne dans le casting. Le casting n’est pas allé au-delà de son cercle d’amitié. Il s’est limité dans son cercle d’amitié.
AFU: Qu’est-ce qui justifie ça ? Est-ce que ce ne sont pas des propos déplacés ?
OMARI: Non, je dis que vous avez cité celui qui préside à la normalisation. Allez voir son passé. Ce sont des amis d’un quartier qu’on appelle Yolo, ici. Il a choisi parmi ses amis. Ce sont eux qu’il a mis dans la normalisation. Ça a été dénoncé. Un ancien c’était Jean Adjoué de la CAF. Avec qui, officiellement, il a détaillé les origines de tout un chacun. Et donc, partant de cela, vous comprendrez que la normalisation a pris un autre sens. Ce n’était pas une normalisation entre guillemets régulière, objective, qui devait remettre en place ce que les autres avaient décrié. Mais c’était maintenant une normalisation subjective où il fallait donner des coups par-ci, par-là, car cela ne tienne. Ils ont revu les statuts alors que les statuts venaient d’être revus. C’était un processus. Et beaucoup de choses, je ne reviendrai même plus. Et bref, il s’est fait que la technicité, la compétence des gens qui ont été mis dans cette normalisation, qui ont été choisis, était moindre par rapport à la connaissance du football congolais. Ce qui a fait qu’il y a eu trop d’atermoiements, de haut et de bas.
AFU: Monsieur le Président, quand on regarde les performances de la sélection nationale des Léopards, on voit que c’est une équipe qui est en pleine progression, notamment à la dernière Coupe d’Afrique des Nations, où les Léopards ont terminé demi-finalistes. L’équipe nationale est troisième dans sa poule de qualifications pour la Coupe du Monde, après quatre journées?
OMARI: Voilà l’erreur que vous commettez toujours. C’est de penser que le résultat de l’équipe nationale, c’est ça le football. Quelle est la connotation des joueurs là-dedans ?Quelle est la proportion de joueurs évoluant à l’étranger par rapport à ceux évoluant au pays ?100% tous évolués à l’extérieur. 100% de tous ces joueurs-là que je connais évoluent tous à l’extérieur. Ça signifie que ces résultats n’ont aucune incidence sur le football national. C’est la même erreur qui avait été commise par la Côte d’Ivoire, le Cameroun à un moment donné. On était dans des équipes nationales qui étaient très performantes, mais le football national était très bas parce que dans les compétitions inter-clubs africaines, vous ne retrouvez pas votre club.Et donc, il faut qu’on se comprenne très bien. L’équipe nationale, c’est l’émanation du football national. Parce que c’est ça la connotation.
Par contre, si vous surfez sur les joueurs uniquement qui évoluent à l’extérieur et vous avez envie d’observer le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal. Mais leur club arrive à quel niveau ? Les compétitions inter-clubs ? Nulle part. Vous comprenez ?Et donc, c’est là que j’ai toujours dit que les NSambi en passant, celui qui a choisi cette entraîneur (Sebastien Desabre) c’est un de mes collaborateurs. Ce n’est pas les Nsambis.C’est Patrice Manguinda et les autres qui ont travaillé là-dessus.Deuxième élément. En 2015, l’équipe nationale était troisième. Elle avait la médaille de bronze. Je dis que l’équipe nationale est dans une phase ascendante. Pour moi, elle n’est pas encore arrivée. Il faut que le potentiel continue à être exploité.
AFU:J’observe certains joueurs qui jouent aujourd’hui, les performances à l’extérieur sont très bonnes.On va parler de Yoann Wissa, il est en forme.Dans son club, l’attaquant Bakambu, il commence par retrouver un second souffle.
OMARI: J’ai dit 65%, ce n’est pas les 100%. Ça signifie quoi ? La meilleure des choses, c’est que cette constance-là soit progressive. La gestion de l’équipe nationale dont vous parlez, est-ce qu’elle est gérée par la fédération ? Oui, parce qu’elle a des prérogatives pour gérer la situation. C’est le ministère. Moi, j’étais président de la fédération. À mon époque, ça ne se passait pas comme ça. Je gérais l’équipe nationale. Quand je te dis, l’équipe nationale est gérée là où elle se trouve. Je ne veux pas m’attaquer à des personnes ici.
AFU: Pour vous, M. le Président, aujourd’hui, la fédération, le comité de normalisation, dirigé par le Président Nsambi et ses amis, ont perdu de leur influence et qu’il y a l’ingérence du politique dans la gestion de la fédération?
OMARI: C’est facile. Allez poser la question à l’entraîneur. Il voit qui à la fédération. Non, je ne voudrais pas créer la zizanie. Je voudrais bien que l’équipe continue sa progression, mais je sais de quoi je parle. Aujourd’hui, l’équipe n’est pas gérée par la fédération. Et c’est ça qui justifie que ce monsieur n’a pas l’ordre de recevoir de la fédération. C’est textuellement, ce que vous avez connu au Togo avec Claude Le Roy. Ici à un certain moment. C’était pareil. Beaucoup de pays africains. C’était pareil parce que les entraîneurs avaient droit de voir le chef de l’État. je vais vous donner une anecdote. Claude Leroy est arrivé ici. Un jour, je l’ai amené à la présidence et fortuitement, il demande le numéro du président de la République, Kabila. Un jour, le Président Kabila m’a appelé et m’a dit, c’est qui ce monsieur-même quand je suis dans la salle de bain il m’appelle ? C’est quoi cette affaire ? J’ai fait venir l’entraîneur et le président m’a dit qu’ à partir d’aujourd’hui, c’est fini. Il ne l’a plus appelé au téléphone. Il est revenu vers moi. On a remis les choses en ordre. Et c’est ça l’autorité de la fédération. Ce n’est pas la moindre chose, je vais appeler le Président. Et troisièmement, il se passe beaucoup de choses dans cette équipe nationale. J’aimerais bien que la phase des compétitions, la phase qualificative de la Coupe du monde , puisse se terminer pour que nous puissions nous retrouver pour en parler.
AFU: Monsieur le Président, parlons d’un autre sujet aussi important. Que pensez-vous de la gestion de la Confédération africaine de football par vos successeurs, notamment le Président Patrice Motsepe, à qui vous avez remis le flambeau en mars 2021 ?
OMARI: Une CAN qui va se jouer en Côte d’Ivoire, la CAN U20. Quand a-t-on connu le pays organisateur, la phase finale, par rapport à l’évolution de la compétition ? Les éliminatoires ont commencé, on ne savait pas qui était le pays organisateur de la phase finale. C’est vers la fin qu’on a commencé à chercher qui peut organiser. Il y a eu douze pays qualifiés.La Côte d’Ivoire ne s’était pas qualifiée. On a demandé à la Côte d’Ivoire de l’organiser. Oui, mais la Côte d’Ivoire a posé une condition. Elle insisté pour que sa sélection U20 puisse compétir. Ça fait 13 équipes. Est-ce que c’est normal ? C’est ça la prévoyance ? . Ne faisons pas semblant de gérer sans aucune perspective. La CAF est devenue le béni-oui-oui de la FIFA. Je pense qu’aujourd’hui, la CAF a l’obligation de se faire respecter Parce qu’elle n’est pas membre de la FIFA. C’est l’association la seule qui est membre de la FIFA. La CAF, en tant que confédération, gérant 54 associations nationales, a l’obligation de rester en harmonie avec la FIFA. Il faudrait une collaboration adulte. Pour moi, il faut une collaboration adulte.
AFU: Là, vous rejoignez les observateurs du football africain qui disent qu’ils sont quand même mal à l’aise par rapport à une forme d’impasse. On va parler de colonisation de la FIFA sur la CAF. j’ai parlé avec un dirigeant récemment. Il m’a fait voir une petite image qui était un peu significative. Parce qu’à la Cannes, lors du match d’ouverture le 13 janvier dernier, le président de la FIFA était là et il a fait un discours.Et il me disait à titre comparatif, lors du match d’ouverture de l’Europe 2024 en Allemagne, Gianni Fantino était là, mais c’est seulement le président Ceferin qui a parlé. Que pensez-vous de cette image-là ?
OMARI: J’ai participé, déjà avec Blatter, à deux Assemblées Générales de l’UEFA. Invité par mon ami Michel Platini, qui est un grand ami jusqu’à aujourd’hui. J’ai participé à deux Assemblées Générales de l’UEFA. Blatter représente la FIFA. Nous étions les invités d’honneur.Nous étions assis en face du bureau de l’UEFA, sur la première rangée du public. Nous étions là, Blatter, nous tous, nous étions là. Ça, c’est la première image forte. Deuxième image forte, il n’y a pas eu de discours de Blatter. La FIFA n’a pas parlé. On nous a souhaité la bienvenue.
Nous sommes allés en Israël. La deuxième fois. Michel est toujours président. C’était la même chose. C’est vrai que l’hospitalité africaine est différente de l’hospitalité européenne. On lui fait la part belle. Mais ça donne l’impression que nous sommes dans une régence.Quand je vois que pour remettre le trophée de la CAN,la FIFA doit venir avec le président de la CAF, chacun tient une oreille pour aller remettre la chose. Ce n’est pas normal. Ça, c’est une cérémonie de la CAF. L’honneur est accordé au président de la CAF. Et comme, par enchantement, lui-même se complaît dans ça. La CAF s’est complaît dans ça. Je comprends bien. Je suis bien placé pour le dire. Parce que sa première élection à la tête de la CAF, c’était le fait de Gianni. C’est Gianni qui a fait toute la campagne. Celui qui a convaincu les uns et les autres. La fameuse réunion du Maroc. Est-ce qu’il pouvait aller le faire en Europe ? Ne donnons pas l’impression que nous vivons sous une régence de la FIFA ?. Et ça, ce n’est pas bon. Aujourd’hui mieux qu’hier, l’Afrique doit s’affirmer dans son indépendance.
AFU: La candidature du président Samuel Eto’o a été rejetée. Et justement, parce qu’il y avait une procédure qui a été lancée contre lui par le jury disciplinaire de la CAF. Et il est en train de se battre pour la contester au niveau du TAS afin de se présenter pour la prochaine Assemblée Générale lors de laquelle il y aura l’élection au niveau du comité exécutif de la CAF. Qu’est-ce que vous en pensez ? Quel est votre avis sur le sujet ?
OMARI: Samuel Eto’o, sa candidature doit être acceptée, reconnue, et qu’il compétisse comme tout le monde. Ceux qui se disent fort qu’ils ne veulent pas l’avoir, qu’ils agissent pour qu’ils ne soient pas élus, mais qu’ils ne l’écartent pas. C’est la meilleure façon d’ailleurs. Vous laissez quelqu’un être candidat, et puis vous n’allez pas l’élire.Ne pas l’empêcher de faire ce qu’il veut faire. Ça signifie quoi ? Vous le limitez, là c’est fini ? C’est aussi un choix à faire. C’est pour ça que je vous dis qu’on a besoin d’un leadership fort. Un leadership fort à la tête de cette Confédération.
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