Le football de l’Afrique de l’ouest est à l’honneur. L’année dernière, lorsque le Sénégal a décroché le sacre africain au Cameroun, elle (l’Afrique de l’ouest, Ndlr) était représentée au Mondial-2022 au Qatar par le Sénégal et le Ghana puis, cette année 2023,les locaux du Sénégal puis les U20 se sont emparés respectivement des trophées du CHAN organisé en Algérie et de la CAN-U20 tenue en Egypte.
Les jeunes Lionceaux de la Téranga ont fait coup double en arrachant le titre mais également en décrochant un billet pour la Coupe du monde prévue en Argentine à partir de la semaine prochaine. Un tournoi qui verra aussi la participation de deux autres pays de l’Afrique de l’ouest, à savoir le Nigéria et la Gambie.
Cette fin de semaine a aussi marqué la qualification de trois sélections ouest-africaines au prochain Mondial des U17. Il s’agit du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso présents aux demi-finales de la CAN de la catégorie qui se tient en Algérie. Une telle profusion d’équipes nationales de la région à atteindre un niveau si appréciable doit certainement avoir une raison.
Il ne s’agit pas, en effet, d’un cas isolé voire d’une domination de deux ou trois pays sur le football continental comme ce fut le cas à la fin du dernier millénaire quand le Nigéria, le Cameroun ou le Ghana raflait tout, contestant par la même la suprématie des Pharaons.
Il ne s’agit pas non plus d’expliquer une hégémonie sur des compétitions juvéniles que les nigérians et les ghanéens notamment ont dominées à grande échelle et sur la durée.
Il s’agit, en fait, d’expliquer le pourquoi d’un tir groupé réussi à un moment où le football mondial a vu une grande partie de sa pyramide s’ffriter. Si bien que, malgré le sacre de l’Argentine au Qatar, les sélections habituées à exister longtemps durant les phases finales des prestigieuses épreuves placées sous l’égide la FIFA font de la figuration, ou parfois ne sont même pas de la fête comme c’est le cas depuis 2014 de l’Italie. Une année (2014, Ndlr) où la Mannschaft avait raflé le trophée à l’Argentine avant de rentrer dans les rangs par la suite. Le seul pays qui maintient le cap est la France, sacrée en Russie et finaliste au Qatar. Les français ont beaucoup appris de leur mésaventure de Knysna, lors du Mondial sud-africain. Sur un plan organisationnel et sportif.
Outre les fondamentaux liés au travail à la base, le modèle français a réussi grâce à une stabilité à toute épreuve. Didier Deschamps apparait comme ce « totem vivant » que la FFF a pu édifier pour consolider l’œuvre menée en profondeur par les clubs et la DTN.
C’est un peu cette philosophie qui semble conduire le Sénégal vers les mêmes réalisations, les cimes.
A cet effet, la FSF ne semble aucunement rougir en s’efforçant à copier le modèle français en mettant sur pied toute une organisation. L’expérience des Académies lancées à travers les principales contrées du Sénégal, dont la plupart sous la supervision des clubs français, partenaires dans la stricte logique économique win-win, porte enfin ses fruits.
Le football sénégalais, qui retrouve une nouvelle identité en clubs avec l’émergence de Génération foot, Teungueth et Diambars FC dignes héritiers sur la scène continentale de Jaraaf, Jeanne d’Arc et l’AS Douanes, est devenu l’espace d’une année maitre du continent.
Sacrées en A, en A’, en U20, en Beach-Soccer et virtuellement en U17, les sélections sénégalaises dégagent une supériorité sans faille sur leurs concurrents. Athlétiquement, techniquement et tactiquement infaillibles, les footballeurs sénégalais s’exportent bien. La formation « clés en main » est devenue le maitre mot des Académies du pays de Léopold Senghor assez bien représentées dans les grands championnats européens.
Il faut bien remarquer que les vedettes sénégalaises évoluant en Europe ont toutes été formées au pays, par des clubs et Académies ouverts au Sénégal. L’apport des binationaux n’est plus à la mode tellement le produit local apparaît comme étant plus adapté à la réalité continentale. C’est un choix qui a certainement ses limites, l’équipe du Sénégal qui partait au Qatar avec l’étoffe d’un sérieux outsider a difficilement franchi le premier tour de la Coupe du monde puis a lourdement chuté en huitièmes de finale face à l’Angleterre.
Serait-ce la conséquence d’une formation locale à qui manqueraient quelques « ingrédients » essentiels à acquérir dans les écoles européennes connues pour leur rigueur dans le tri et dans l’orientation des ressources ? Possible. Aliou Cissé, le sélectionneur des Lions de la Téranga, avait froidement analysé les raisons de l’échec en usant d’un discours global qui implique la réalité de tout le continent.
« Le foot africain s’améliore. Mais on ne décrète pas comme ça de devenir champion du monde. Avec les infrastructures, les politiques d’État, on va s’améliorer. Il y a la volonté de former des entraîneurs, des arbitres. De ne plus compter sur une génération spontanée pour faire un coup. Il ne faut pas se décourager.», avait-il déclaré. Le « maitre de la tanière » a toujours raison.
Lucide comme jamais, l’ancien « ouvrier » du PSG confie qu’il y a de la marge avant de pouvoir parvenir à un tel objectif. «C’est un processus de progression. On travaille pour hisser notre niveau. On doit continuer pour rivaliser face à ces formations d’une telle envergure.», précise l’entraineur du Sénégal nommé en 2015.
Une meilleure visibilité
C’est un pas de géant de franchi, en définitive. Car comprendre le mal et s’atteler à y remédier au mal à ses sources donne un certain avantage à ceux qui veulent réaliser de vrais projets sportifs. La réflexion étant la plus profonde des sources, l’exemple du football au pays des Diambars a fait tache d’huile.
Le Sénégal, inspiré par l’expérience française, en a fait des émules dans la sous-région. Le Mali, qui avait été un pionnier dans le domaine lorsque le centre Salif-Keita a vu le jour en 1993, est en train de reprendre le fil. La Gambie, dont les équipes de jeunes ont fait bonne impression au début des années 2000(championne d’Afrique en U17 en 2005 et en 2009) et désormais le Burkina Faso, sacré en U17 en 2011et qui vient d’arracher une méritoire qualification au Mondial-2023 au dépend du Nigéria(quintuple champion du monde), sont les autres fleurons de ce football en pleine reconstruction et qui ne compte que sur le produit local. Un travail qui bénéficie de programmes gouvernementaux et ceux de la FIFA. Certes, la progression de ces projets sportifs dépend de l’état des infrastructures dans ses pays, du niveau de technicité du personnel formateur et des moyens mis à leur disposition.
Il reste que la volonté de passer à une autre étape constitue une source de satisfaction suffisante pour comprendre que ces pays ont des chances de fructifier leurs projets. A moyen terme, il ne faut pas s’étonner de voir, outre le Sénégal, ses pays dominer le football continental. Pas en clubs, où les plus riches écuries de l’Afrique du nord et du Sud font main basse sur les compétitions de la CAF mais chez au niveau des équipes nationales bigrement renforcées par l’arrivée d’une nouvelle génération de footballeurs nés et élevés au pays et qui vont accroitre leur formation en se frottant aux meilleurs du monde.
Une perspective à laquelle le Maroc, et un degré moindre l’Egypte et la Tunisie, a compris les contours en se lançant dans des plans de d’actions dont la réussite est garantie. Les marocains ont misé sur l’Académie « Mohamed VI » et semblent avancer à grands pas, aidés en cela par la grande performance des Lions de l’Atlas au Qatar mais également la tenue exemplaire des clubs (WAC, Raja, FAR et RSB) en coupes africaines. L’Egypte, perturbée par des problèmes d’ordre structurel (l’EFA était encore placée sous autorité de la Fifa jusqu’en 2021) et la Tunisie dont les ressources financières ont tari en raison de la situation économique du pays, font la course derrière avec plus ou moins de bonheur.
Les tunisiens ont réussi à placer leur sélection U20 au Mondial-2023(Argentine) quand l’Egypte domine les épreuves arabes sans vraiment peser devant les nations africaines même à domicile.
Le cas de l’Algérie est encore plus dramatique. Privés du Mondial du Qatar après avoir perdu leur titre continental, les algériens n’ont pas triomphé chez eux lors du CHAN et viennent de manquer l’occasion de prendre part au Mondial des U17 en se faisant éjecter par les marocains. Le football algérien sera absent à la CAN-U23 et n’était pas non plus au rendez-vous de la CAN-U20. Les féminines sont absentes de la scène africaine depuis la CAN-2018 jouée au Ghana où elles avaient été éliminées au premier tour après trois défaites consécutives.
Un fiasco généralisé qui s’explique notamment par la crise structurelle. Depuis 2017, la fédération a connu trois présidents et aucun n’a pu mener à termes son projet. Les querelles de clocher ont forcément aggravé le cas d’un football algérien qui manque de visibilité. L’Etat a beau investir sur l’infrastructure de base, la ressource humaine est en faillite. Les encadreurs sont contestés, critiqués et les joueurs n’ont pas le niveau. La politique de l‘import-import qui a fait les beaux jours de la sélection sous Gourcuff et Belmadi a mis fin aux dernières illusions d’une renaissance envisagée par Zetchi.
L’Algérie à la traine
Les Académies (FAF et PAC s’entend) ont produit des joueurs juste bons pour le championnat. Sur le plan africain, c’est la déche depuis le sacre de l’ES Sétif en 2014-2015(LDC et Super Coupe d’Afrique) suivie d’une finale de la JSK en Coupe de la CAF (2020-2021).
Tout marche de travers dans un championnat dominé par le CR Belouizdad qui va enchainer un quatrième sacre consécutif le mois prochain. Le niveau est de plus en plus faible, les fans s’impatientent et versent dans les violences et les pouvoirs publics ne savent plus à quel saint se vouer. La vitrine de la sélection à Belmadi ne peut plus dévisager un chantier désertique, la nouvelle équipe fédérale fait semblant d’attaquer le mal par ses racines en multipliant les changements au niveau de ses structures. Sauf que le personnel aux opérations fait partie des meubles. Le rajeunissement fort réclamé tarde à prendre forme.
Les anciens footballeurs multiplient les appels de pied sans être entendus fondamentalement. Quelques uns sont réinsérés dans le circuit mais leur impact sur le pouvoir de décider est insignifiant. Les « consultants » redoublent de férocité dans leurs « analyses » au vitriol et les entraineurs en place dans les clubs et en sélections parlent le même langage. La situation actuelle serait, à leurs yeux, la conséquence inéluctable à tant d’années de bricolage. Que faire alors ?
Le président de l’Etat est même solennellement interpellé sur la question lors d’une rencontre organisée en marge de la journée internationale de la liberté de la presse. Lui-même appelle à tenir des assises et se dit engagé à assister tout ce beau monde. Un monde d’assistés, en somme. Sinon comment expliquer qu’un club qui se dit professionnel continue de solliciter la manne publique pour payer les salaires et toutes les charges qui n’ont à voir avec la pratique directe du football. Ceux qui prédisent la fin de l’état de grâce pour très bientôt sont légion. Personne ne propose de vraies solutions et tous mangent à table sans payer la note.