L'incontournable du football africain
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Entretien Exclusif – Gernot Rohr: « Dans le calendrier de la CAF il y a des choses vraiment bizarres »

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– Gernot Rohr (71 ans) est l’actuel sélectionneur de l’équipe nationale du Bénin; Il a par le passé entraîné le Gabon, le Niger, le Burkina Faso et le Nigeria, et jouit de ce fait d’une grande expérience sur le continent qu’il fréquente depuis 2010.

– Un peu moins de deux ans après avoir pris les rênes des Guépards, il a qualifié l’équipe pour la CAN 2025 après des absences à deux éditions consécutives depuis 2019, en terminant 2e du groupe D.

– Il revient sur cette merveilleuse aventure avec les Guépards, évoque ses prochains chantiers et fixe notamment ses ambitions avec son équipe, dans cet entretien exclusif accordé à Africa Foot United.

AFU: Vous avez qualifié le Bénin à la 5e CAN de son histoire au terme d’un parcours héroïque, et nous on imagine que vous êtes un entraîneur très heureux n’est-ce pas ?

Gernot Rohr: « Absolument, parce que ça a été un parcours difficile, dans un groupe où nous avons affronté trois adversaires de qualité. Ça a été délicat parce qu’on a commencé en septembre avec un match a l’extérieur au Nigeria avec une lourde défaite 3-0, puis il a fallu trouver un bon rythme de croisière avec nos matchs à Abidjan, car on n’a pas pu jouer à domicile dans le pays. Mais on a pu faire là-bas 2 victoires et un match nul, et puis le dernier match en Libye qui nous a donné la qualification, avec de nombreuses péripéties, avec des choses qu’on a envie d’oublier, et d’autres qu’on a envie de retenir, notamment la solidarité de l’équipe. En fin de compte je suis heureux pour ce que nous avons accompli. »

AFU: Vous parlez d’une poule difficile que vous partagiez avec le Nigéria, le Rwanda et la Libye, mais quel a donc été le secret de cette qualification alors que vos matchs à domicile se jouaient en Côte-d’Ivoire ?

Gernot Rohr: « Je pense que c’est d’abord l’esprit d’équipe. On a fait face solidairement à des inconvénients, des blessures de joueurs importants en veille de matchs, des joueurs importants qui parfois ne pouvaient pas venir, mais à chaque fois le groupe a su réagir avec beaucoup de professionnalisme. Ensuite je pense que nous avons su trouver notre jeu sur ce bon terrain du Felicia à Abidjan où nous avons pu développer un football conquérant, avec un pressing haut, avec nos milieux de terrain qui étaient conquérants et omniprésents, avec un bon capitaine qui a su traîner l’équipe dans le bon sen sur le terrain, avec un groupe qui finalement était équilibré entre les jeunes et les anciens. On a trouvé le bon mélange qu’il faut, et avec les individualités qui se sont révélées, notamment le jeune Mounié, notre gardien Dandjinou aussi qui a fait un bon tournoi. On a aussi une satisfaction que chaque fois qu’il y avait des absents derrière, on réussissait à bricoler une défense qui a tenu la route, et qui a obtenu son match nul sans encaisser en terre Libyenne. »

AFU: Coach il y a eu Les CAN 2004, 2008, 2010 et 2019 pour le Bénin, le pays a manqué les deux dernières éditions, et là avec vous les Guépards se qualifient de nouveau. Est-ce que vous réalisez déjà la grandeur de l’exploit que vous venez de réaliser ?

Gernot Rohr: « Évidemment qu’après deux éditions manquées ça faisait un peu longtemps. Il fallait reconstruire rapidement une équipe cohérente, beaucoup de joueurs étaient déjà arrivés à 35, 38, 40 ans, et le capitaine Sessegnon, Adeoti, il y en a comme ça 4 ou 5 qui étaient arrivés en bout de course, et c’était là le challenge, trouver des jeunes joueurs qui pouvaient prendre la place et assurer un minimum de qualité avec leur fraîcheur, leur dynamisme et de l’énergie. La mayonnaise a fini par prendre. Tout le monde veut faire ça mais ce n’est jamais facile, car ça nécessite du temps et on ne vous en donne pas assez quand vous êtes sélectionneur, car vous n’avez pas les joueurs tous les joueurs, donc ça devient difficile. C’est en tout cela que ce que nous avons réalisé est grand, mais on ne doit pas s’arrêter là. »

AFU : Il y a eu cette reconstruction, et vous évoquiez la transition qu’il fallait faire entre les générations, mais qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous dans cette campagne qualificative à la CAN 2025 ?

Gernot Rohr : « Le plus difficile c’était déjà de faire comprendre à quelques anciens qu’ils ne pouvaient plus faire partie du projet. Ensuite dans les matchs on a commencé par une défaite 3-0 au Nigéria, ça fait mal, et il fallait se relever et redresser en trois jours le moral des joueurs pour le deuxième match face à la Libye qui elle avait déjà six jours de repos. Dans le calendrier de la CAF, il y a des choses vraiment bizarres. Vous jouez trois jours après, avec le déplacement, alors que votre adversaire a trois jours de plus après son premier match. Malgré ça on a su répondre présent, on a pu faire des déplacements relativement aisés en utilisant un avion privé à chaque déplacement à l’extérieur. On doit être reconnaissant envers le Ministre des Sports qui nous a garanti des conditions de voyage optimales à chaque fois. »

AFU: « Vous obtenez votre qualification à la dernière journée, à la faveur d’un nul (0-0) en terre hostile en Libye, au terme d’une aventure périlleuse comme vous l’avez expliqué, mais comment avez-vous abordé cette rencontre, et quelle en était la clé ?

Gernot Rohr : « La clé était que nous avons joué haut, on n’a pas décidé de bétonner pour chercher un 0-0, non ! C’était un 0-0 offensif. Ça aurait pu être 1-1, ou 2-2, on aurait même pu l’emporter parce qu’on a été chercher l’adversaire très haut pour essayer de marquer le but. Il y a eu une transversale, il y a eu un ballon qui a probablement franchi la ligne mais qui n’a pas été validé en but, mais on est allé porter le danger devant leur but, et non pas de subir, et à mon avis, c’était là la clé du match. Parce que si vous subissez dans un tel contexte avec Un public de fanatique et un arbitrage qui est mis sous pression, vous risquez gros. On a su éviter ce piège en jouant haut, et en essayant toujours de développer notre football. »

AFU : On a vu beaucoup de monde venu vous accueillir au retour de la Libye, on a vu tout un peuple en ébullition, coach, racontez nous cette ambiance à votre retour

Gernot Rohr : « C’était difficile d’accrocher un résultat en Libye et tout le monde le savait, les gens connaissaient les événements et savaient que notre équipe avait été mise sous pression, et le staff frappé après le match, et que des joueurs ont été maltraités, le peuple a vu tout cela, et ça a davantage rapproché les gens autour de leur équipe. Ça a suscité l’engouement et une ambiance qu’on a bien ressentie. Il y avait aussi le fait qu’on a joué loin de notre base de Cotonou, tous nos matchs à domicile étaient en Côte d’Ivoire, et les supporters avaient vraiment envie de voir de près leurs joueurs. Ils sont venus nous accueillir à l’aéroport déjà, ils nous ont accompagné jusqu’à la place de l’Amazone où il y a eu une belle célébration. »

AFU : Sur le plan personnel, coach, vous avez rejoué face au Nigéria, votre ancienne sélection, et nous on se dit que c’était une expérience particulière pour vous n’est-ce pas ?

Gernot Rohr: « Déjà en éliminatoires de la Coupe du monde, nous les avons affrontés. Le hasard du calendrier a fait qu’on les retrouve une nouvelle fois sur le chemin de la CAN. Ça fait 3 rencontres déjà avec mes anciens joueurs, les anciens collaborateurs. Beaucoup d’amitié, beaucoup de fair-play aussi. Malheureusement sur leur dernier match à Uyo je trouve qu’ils ont manqué de respect en mettant une équipe Bis et en faisant reposer les joueurs comme Osimhen, Lookman, Iwobi, Ndidi, le gardien. J’étais un peu déçu de voir ça, sous prétexte qu’on est déjà qualifié. Mais nous on était très heureux de les retrouver, le match à Abidjan on menait 1-0, on l’aurait disputé à Cotonou, peut-être qu’on aurait tenu le résultat jusqu’au bout, parce que nous avions le public qui réclamait et scandait le nom de Osimhen. Les nigérians sont plus nombreux que les béninois là-bas (en Côte d’Ivoire, ndlr). C’est un peu dommage, mais on a fait ce qu’il fallait face à eux pour accrocher la qualification. Oui, c’était une belle expérience. »

AFU : La qualification acquise aujourd’hui avec les Guépards, quels sont vos chantiers prioritaires dans cette équipe avant la CAN ?

Gernot Rohr : « Il faudra d’abord récupérer les blessés, car on avait pas mal d’absences en défense notamment. Ensuite on a envie de peaufiner notre football, d’évoluer encore plus haut, et aussi d’améliorer la qualité et la profondeur de notre banc de touche. Je pense qu’on a encore un peu de marge, et il faut toujours avancer. Celui qui ne progresse pas, recule. On est dans cette volonté d’améliorer encore l’équipe. Il faut bien analyser ce qu’on a fait, travailler pour faire mieux. Il y a peut-être des binationaux qui pourraient changer d’avis et nous rejoindre pour participer à l’aventure. Il y’a quelques pistes, on va tranquillement aller dans les prochains mois vers ces efforts d’amélioration du niveau de jeu de notre équipe, même si le groupe actuel me donne déjà satisfaction. On est conscient qu’il faut progresser, car la CAN est devenue une compétition très compétitive, difficile et de très haut niveau. Alors il faut être à la hauteur. »

AFU: La meilleure performance du Bénin en CAN c’était ce quart de finale en 2019, est-ce que cela vous met la pression de faire mieux, et plus globalement ce sera quoi votre objectif dans cette CAN qui arrive, c’est de la gagner ? 

Gernot Rohr : « Le premier objectif c’est de sortir du groupe, et on sait combien c’est difficile. Il faut gagner au moins un match pour espérer. En 2019, les Écureuils avait réussi à passer au second tour avec 3 matchs nuls au premier tour. Donc il faudra gagner un match, sortir du groupe, et après espérer un parcours, peut-être un quart de finale, et pourquoi pas plus. »

AFU : Peut-être un mot pour le public béninois ?

Gernot Rohr: « Le peuple béninois a été magnifique. Notre public nous a manqué, pendant nos matchs qu’on a tous faits loin du pays. Le souhait c’est de vite retrouver ce stade de l’amitié, même si on est bien à Abidjan. Et je profite d’ailleurs pour remercier les ivoiriens de leur soutien et leur accueil extraordinaire; c’était pour nous une CAN à retardement qu’on a dû y faire avec nos 5 matchs là-bas ( y compris en éliminatoires de la coupe du monde, ndlr). On a fait de beaux résultats là-bas, c’était notre 2e maison, on leur dit merci. »

AFU : On a envie de vous remercier, coach pour cet échange, en vous souhaitant bonne chance pour la suite, et pourquoi pas une rencontre face au Cameroun où on vous apprécie beaucoup !

Gernot Rohr: « Ahh ça fait plaisir ! Mais vraiment les Lions sont dans une forme étincelante, donc on va espérer de les éviter, même si on ne sait jamais. Si on tombe contre vous, on espère faire un beau match évidemment. »

AFU : Effectivement cette équipe du Cameroun n’a plus perdu depuis 8 rencontre sous Marc Brys que vous connaissez certainement; on imagine que vous avez vu les derniers matchs de l’équipe du Cameroun, quelle impression vous laisse cette équipe et son entraîneur ?

Gernot Rohr: « C’est vraiment un exploit, et c’est à féliciter. Compte tenu du contexte de son arrivée, et les péripéties qu’il y a eues, le staff a su répondre présent, l’equipe aussi. Vraiment félicitations à Marc Brys pour ce brillant parcours, et aussi à cette grande nation du football africain où mon ami Roger Milla vibre chaque fois avec. On a beaucoup d’amitié pour le Cameroun, et on leur souhaite le meilleur, sauf s’ils tombent face à nous. »

AFU : Merci, Coach Gernot Rohr !

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