De cette cérémonie simple mais réussie aux conspuassions réservées à Rabah Madjer dans ce même Nelson-Mandela Stadium, en passant par le « p’tit théâtre marocain » et le voyage d’Eto’o Fils en Algérie, le 7è CHAN a connu une première semaine riche. Décryptage.
Quelques heures avant le coup d’envoi de ce Championnat, les tractations étaient reparties de plus belle pour que le Maroc puisse venir en Algérie. La veille, lors d’une triangulaire rencontre avec le président Algérien, Infantino et Motsepe s’étaient assurés de la position Algérienne dont les responsables accueillaient favorablement la présence de l’équipe marocaine dans cette manifestation footballistique. C’est le président de la CAF qui lèvera le voile sur les intentions du pouvoir algérien à ne pas gâcher la fête malgré une crise diplomatique entre les deux pays voisins dont les frontières sont fermées depuis septembre 2021.
Seulement, alors que Lekdjaâ continuait à jouer son « cinéma » depuis l’aéroport Rabat-Salé en présentant l’équipe du Maroc comme étant « victime d’une injustice» devant les regards incrédules du patron de la Fifa dont le jet privé venait de poser sur le tarmac de l’aéroport de la capitale politique du Royaume, il allait être sèchement rattrapé par Motsepe, également présent sur les lieux, qui expliquera ce qui s’était réellement passé et qui était à l’origine de cette cacophonie. « Tout allait très bien après la demande préalable de la CAF aux autorités algériennes de permettre aux Marocains de venir directement en Algérie. L’Algérie nous a donné son accord initial mais après le communiqué fait par la FRFM dans laquelle elle exigeait de rallier directement Constantine ou se retirer du tournoi, la situation est devenue complexe », confiera Motsepe devant la presse marocaine.
Dans la soirée, l’Afrique faisait sa fête dans un stade Nelson-Mandela comble en présence des personnalités politiques et du football. Une cérémonie marquée par l’intervention du neveu du leader emblématique de l’ANC Nelson Mandela qui prêchait le droit des peuples à l’indépendance.
« Ma joie sera complète lorsque la Palestine et le Sahara Occidental deviendront indépendants. », lâchait Zwelivelile Mandela devant une assistance toute acquise.
Le CHAN démarrait sur les chapeaux sur un plan autre qu’un terrain de football, l’équipe d’Algérie allait battre deux heures plus tard en ouverture du tournoi un ensemble Libyen courageux mais limité lors d’un derby insipide sur le plan technique.
Zwelivelile chauffe le Maroc
Avec désormais 17 pays au lieu des 18 prévus, le CHAN-2022 avait toujours conservé sa primauté comme étant celui de tous les records. De toutes les controverses aussi. Les Marocains qui n’avaient pas officialisé leur forfait, avec l’espoir d’éviter les sanctions sportives à leurs équipes, n’avaient finalement pas abandonné le « combat ». Cette fois, ce n’est pas seulement cette « injustice » des autorités algériennes de priver leur équipe de se déplacer à Constantine sur un vol de la RAM, seul moyen pour eux de pouvoir répondre présent à ce CHAN, qui est invoquée mais ce surtout les propos du neveu de Mandela tenus lors de la cérémonie d’ouverture. Un speech qui fera l’objet d’une campagne haineuse de la part non seulement des réseaux sociaux mais également les circuits officiels au Maroc. Aussi, à peine la journée du samedi entamée, la FRMF invitera la CAF à « assumer toute la responsabilité face à ces transgressions flagrantes qui n’ont aucun lien avec les principes et valeurs du ballon rond », écrit le communiqué de la fédération marocaine. La FRMF dénoncera ensuite « les propos racistes » et anti-marocains du public algérien pendant ladite cérémonie.
Dans la journée du samedi 14 janvier, l’instance africaine pondra un communiqué dans lequel elle annonce qu’elle va « mener des investigations pour établir si et dans quelle mesure » ces déclarations « violent les statuts et règlements de la CAF et de la Fifa » et qu’elle « fera part de ses conclusions en temps opportun ».
Elle terminera sa réponse en affirmant que « ces déclarations politiques ne sont pas celles de la CAF (…) en tant qu’organisation politiquement neutre ».
Un calme précaire suivra cette tempête de communiqués devant laquelle les organisateurs algériens sont restés zen. Le tournoi se poursuivait allègrement, à Alger, Annaba, Constantine et Oran. Les officiels de la CAF et les délégations participantes sont émerveillés par la qualité de l’accueil, des infrastructures et de l’ambiance générale. Les stades flambants neufs sont bien garnis aussi bien quand l’Algérie joue ou quand ce sont d’autres sélections qui s’affrontent. Un signe de la profonde adhésion de la population à la conquête de la CAN-2025. Et un bon présage pour la réussite du CHAN.
Eto’o débarque à Alger
Annaba sera ainsi cette ville qui donnera le ton à la communion avec l’Afrique. Les deux premiers matches du groupe B sont suivis par quelque 20 milles personnes entassées dans les gradins du stade du 19-mai 56. Un (autre) record pour un match d’une compétition africaine opposant deux équipes qui n’appartiennent pas au pays organisateur. Jalouse, l’Antique Cirta, et sa capitale Constantine, fera de même lors du match Madagascar- Ghana (groupe C) suivi par autant de supporters venus braver le froid et la nuit.
Dans l’après-midi du dimanche, le Maroc était déclaré « perdant » contre le Soudan. Les officiels du match ont accompli la procédure réglementaire et ont établi l’absence des marocains. Le rapport transmis au Comité d’organisation des compétitions de la CAF sera traité par le jury disciplinaire. La Confédération attendra la nuit du mardi pour annoncer l’ouverture d’une procédure judiciaire contre le Maroc. Le communiqué de la CAF note qu’il s’agit d’une absence et non pas d’un forfait, ce qui suppose qu’elle prendra des mesures plus allégées que celles prévues pour le retrait d’une sélection avant le début d’un tournoi final, à savoir « suspension pour les deux éditions suivantes » en sus d’une amende de 150 milles dollars. Y aurait-il un deal entre Lekdjaâ, que Motsepe apprécie « pour son expérience dans le domaine du football », et la CAF ? Wait and See.
Pendant que des équipes déployaient leur arsenal pour gagner les points et se propulser vers les tours suivants, les délégations continuaient d’affluer sur le sol algérien où elles sont reçues par des fleurs et des petits plats traditionnels. Une délégation était particulièrement attendue en Algérie, le Cameroun qui avait rallié directement Oran où elle reçut un accueil des plus chaleureux du comité local. Un déplacement soigneusement préparé : l’heure d’arrivée (vendredi soir) coïncidant avec la tenue à Alger de la cérémonie d’ouverture étant choisie pour éviter toute mauvaise surprise. Les Lions Indomptables, qui avaient barré le chemin du Mondial à Belmadi et à son équipe, sont en Algérie sans leur président de la fédération.
Oran en colère contre Alger
Samuel Eto’o, également invité à la cérémonie d’ouverture à Alger, finira par prendre l’avion avec 48 heures de retard, histoire de mieux voir certainement quel sort sera réservé à son équipe. Les échos qui lui sont parvenus d’Oran ont certainement renforcé la quiétude de l’ancien attaquant du FC Barcelone. Une fois en Algérie, le président de la Fecafoot, accueilli comme il se doit par les organisateurs, laissera entendre sa joie de se retrouver à nouveau dans « un pays du football ». Avant de donner le ton de son désir de soutenir le dossier algérien pour la CAN-2025. « L’Algérie a été aux côtés du Cameroun, quand Il traversait des moments difficiles avec la dernière CAN. Je ne trahis jamais mes amis. Il est de mon devoir en retour d’être aux côtés du président de la Fédération algérienne (FAF), je vais lui retourner l’ascenseur », a-t-il déclaré à son arrivée à l’aéroport d’Alger.
Après quelques heures passées dans la capitale algérienne en compagnie d’officiels algériens et de la CAF, Eto’o sera acheminé directement vers Oran où il s’enquerra personnellement des conditions de séjour de la délégation camerounaise. Rassuré, l’enfant terrible du football camerounais apparaitra dans la cité oranaise aux côtés du ballon d’or africain 1981, l’Algérien Lakhdar Belloumi. Toute une symbolique.
Avant de quitter El Bahia, il faut faire remarquer le désappointement des fans du club d’El Hamri, le MCO, qui ont décidé de ne pas répondre présents pendant les matches qui se jouaient lundi au stade Miloud-Hadefi. Un ami fera part de la colère des Hamraoua que les autorités sollicitent pour les soutenir sans que les promesses faites ne soient tenues. « En fait de promesses la dotation du club Oranais d’une entreprise qui prendra en charge ses grosses dettes et l’investissement pour son redressement sur le plan sportif. », me confiera cet ancien correspondant du journal Liberté. Le Cameroun entrainé par Alioum Saidou s’imposera face au Congo en alliant l’art et manière. Mais, Oran, elle, attendait sa « victoire » qui passe par le départ des dirigeants actuels et la dotation du MCO d’une société publique en mesure de lui rendre son lustre d’antan. « Une décision qui ne peut venir que d’Alger », confirme Rachid Belarbi.
Madjer conspué, l’Algérie qualifiée
Bon accueil et respect mutuel inspirent les observateurs qui voient là le signe d’une normalisation dans les relations tendues ces dernières années entre l’Algérie et le Cameroun, sur le plan du football s’entend. La polémique née au lendemain de la mort d’Albert Ebossé, ancien joueur de la JSK, survenue à la fin du match contre l’USMA disputé en août 2014 à Tizi-Ouzou n’était rien comparativement à la crise provoquée par les conséquences du match retour des barrages au Mondial du Qatar, le 29 mars 2022 à Blida. La réconciliation signée au début de la semaine dernière annonce-t-elle la mise sous terre de la hache de guerre?
Pendant ce temps, le groupe A désigne son premier représentant en quart de finale. Il s’agit de la sélection de Madjid Bougherra qui a gagné face à l’Ethiopie grâce à un nouveau but de son attaquant Mahious. Une qualification méritée mais qui ne doit pas faire oublier que le plus dur est à réaliser pour les Verts. Cette soirée qui devait marquer la suite des fêtes algériennes sera toutefois gâchée par les sifflets inexpliqués d’une partie du public du stade de Baraki en direction de Rabah Madjer. Apparu sur les écrans géants du stade avant le coup d’envoi du match, quelques instants après Djamel Belmadi, acclamé par cette même assistance, Madjer sera conspué. L’ancien international du FC Porto, l’homme à la talonnade, qui porte son nom, et l’ex-sélectionneur des Verts froncera les sourcils et détournera le regard…
Une scène pathétique qui suscitera l’indignation sur les réseaux sociaux. Une levée de boucliers marquée par l’opposition des « arguments » entre ceux qui pensent que Madjer récolte le fruit de son enquiquinante relation avec l’ex- Issaba et les défenseurs du Madjer « la légende du football ».
A Annaba, mercredi, puis Constantine, jeudi, la neige et la pluie n’ont pas démonté la volonté du public à marquer son soutien à « Madjer la talonnade ». Un bel hommage qui conforte les adeptes du fair-play et de la sportivité dans les stades. Et qui envoie une pique à tous ceux qui, comme le Maroc, voulaient donner au CHAN-2022 un cachet autre que celui lié par les principes du jeu et de l’esprit sportif. A la semaine prochaine…
