L'incontournable du football africain
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Ligue 1 | MCA-USMA à guichets fermés : Alger, quelques heures avant le « big » derby

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Le réveil était dur, ce matin. La nuit du jeudi à vendredi a été mouvementée à souhait : Alger n’a presque pas dormi à la veille de son grand derby. MCA-USMA, c’est dans quelques heures mais le match a commencé ailleurs. Dans les quartiers et foyers des Mouloudéens et des Usmistes.

Ce matin, les marchés bondaient de vieux. Pas le moindre mouvement de jeunes. Si bien quelques uns s’affairaient à écouler les derniers billets si recherchés. « ya khou (‘’mon frère’’), ce n’est pas des tickets de contrefaçon », demandait Amine, venu de Bou-Ismail, 50 kms d’Alger, au vendeur du fameux sésame qui offre l’accès au stade du 5-Juillet, ce soir. « Pas de problème. S’il y a un, tu passeras samedi et je rembourserai », répond le commerçant d’infortune.

Ce n’est, donc, pas tant le prix réclamé par Karim qui effraie (2500 DA, soit cinq fois le prix public proposé au guichet). Faire un trajet aussi lointain, par un vendredi, où les moyens de transport sont quasi-inexistants entre Alger et les villes limitrophes pour finalement revenir bredouille dans le vieux port de pêche de Bou-Ismail, Amine ne voulait entendre. Il n’avait pas le choix, toutefois. Pour lui et son copain, il fallait se dépêcher pour monter au stade sur le moyen le plus sûr dans Alger by Friday : le train 11, la marche à pieds. Bab El-Oued- Chevalley, c’est environ 8 kilomètres en montée. Le pari est mis et les deux jeunes semblent stressés à l’idée d’atteindre leur point de chute avant l’ouverture des portes fixée à 14h00 locales, soit 4 heures avant le derby.

Retour à Bab El-Oued où les deux principaux marchés (Trois Horloges et Nelson). Il est 11h00 locales. C’est plus mouvementé et les apparences ne trompent plus. Les deux galeries s’exhibent : maillots, casquettes et toute la panoplie d’une fête du football annoncent une déferlante en direction du stade olympique. « Dar Chrâa », pour ceux qui en connaissent la signification, attend les milliers de fans des deux équipes, et d’autres curieux voisins qui préfèrent zyeuter un tel carnaval. « Ce soir, aux coups de 20h00, le Mouloudia sera déclaré champion », souffle Aymen. Membre des Green Corsairs, groupe d’Ultras du MCA, il a cette conviction que ce vendredi 17 mai, sera jour de sacre. « Ce serait formidables de le fêter face aux frères ennemis. Nos voisins sauront qui est le plus fort cette saison », lui emboite le pas Samir, plus connu pour être « grosse gueule » et qui, d’après toujours son entourage, « porte la poisse ».

Son frère, qui lui est fan des Rouge et Noir, ne le défend pas formellement et semble « heureux » que Samir, plus âgé que lui de deux-trois ans, apporte la preuve de son irréversible et légendaire prédiction. « Depuis le temps qu’il encourage le Mouloudia, le club n’a jamais touché au but. », clache son frère aîné.

Une autre page dans l’histoire

Alger est si pétillante, ce matin. Beau soleil et température modérée. Le printemps a de beaux jours devant lui quand l’été indien s’installe à l’est du pays. « A Constantine, le CRB risque une fatale glissade face au CSC, et cela va accélérer le processus de consécration du MCA », prédit Ammar, pourtant pas le moindre du monde branché football. « Moi, c’est Mouloudia, USMA, El-Harrach mais Belcourt », se déclare-t-il. « Et pourquoi donc ? », lui a-t-on demandé. « Ça remonte à ma prime jeunesse. J’étais fan de l’USMA, pour vous dire que je ne suis pas un débarqué dans le monde du football. L’équipe affrontait le Chabab au stade du 20-Août. On y allait à pied. Ça faisait une petite randonnée en traversant quelques quartiers populaires depuis Sait-Eugène(Bologhine actuellement). Lorsque nous sommes arrivés du côté de Laâqiba, on nous a tendu un piège et une pluie de projectiles s’abattaient sur nous. J’étais touché à la tête par un objet contendant et j’ai failli laisser ma vie là-bas », se remémore ‘’Amimeur’’, diminutif de Ammar. Et de continuer : « Un gars qui était avec nous a été grièvement blessé. Il est resté pendant une semaine au coma. Ça m’a marqué et j’ai décidé de plus me rendre au stade, encore moins à suivre l’actualité du football. J’en garde toujours les séquelles et c’est pourquoi je me prononce aujourd’hui pour que le MCA soit champion dès ce soir. Je n’aime pas le CRB et c’est tout ».

Avant de prendre congé de ses amis du quartier, ‘’Amimeur’’ nous fait comprendre que « ce n’est pas de la haine envers des gens de Belcourt où je compte beaucoup d’amis ».

Des amis, c’est surtout cette alliance que Mouloudéens et Usmistes ont tout le temps défendu. Jamais, rarement en tout cas, où les derbies MCA-USMA ne sortaient du cadre de la famille. Aâmi Boualem, retraité des cheminots témoigne de ce lien ombilical entre les deux galeries. « Oh mon fils. C’est grâce au football que nous avons le mieux gâché la vie des colons à l’époque. Nous, on y jouait pour la cause nationale. Le Gallia et les autres clubs français représentaient la France coloniale et quand les premiers musulmans ont vu le jour durant le colonialisme, leur objectif était clair. Nous abordions ces confrontations contre ces clubs comme s’il s’agissait d’une bataille pour la liberté. Et nos sportifs de l’époque ont bien vécu des misères à cause de cet engagement. Les supporters ont payé de leur sang et cela a renforcé les liens entre les algériens. », se souvient-ils.

Pour le vieil octogénaire « l’histoire retiendra que le MCA a été derrière la création de nombreux autres clubs musulmans dont l’USMA. Voyez-vous pourquoi, il a été question d’en créer des clubs de sport. Si c’est pour en créer la division entre les enfants du peuple, l’Algérie n’aurait connu le soleil de l’indépendance, mon fils. », conclut-il en se rappelant des premiers « timides » derbies des années 60 puis les heures de gloire connues par la saga USMA-MCA pendant deux décennies (1970 et 1980) « durant lesquelles ont assisté à des affiches inoubliables en championnat et en coupe ».

Jeunes et vieux, et beaucoup d’entre ces derniers vivent une seconde jeunesse cette année avec les exploits de Belaili et consorts, dissertent la même rengaine. L’amitié et la fraternité entre des galeries jalouses de leur histoire, la même s’il n y avait pas « quelques brebis galeuses » qui ont tenté de sauter sur les mines de la discorde. « Ah oui. A une période donnée, des dirigeants des deux clubs ont joué sur un violon d’Ingres pas très catholique. Ils ont essayé de travestir l’histoire en racontant beaucoup de contrevérités sur les actions des deux clubs durant la guerre de libération. Or, il faut juste recenser le nombre de Chouhadas dans les deux les deux camps pour s’en rendre compte que le MCA et l’USMA n’ont jamais trahi. », peste encore Toufik dont le père, dirigeant au Doyen, était un des donateurs pour que l’USMA puisse voir les moyens de se lancer. « Comme dans toute famille, il y a quelques querelles qui ne dépassent le cadre de la famille. Le football est notre passion mais le lien le plus fort, c’est la famille. Et dans celle-ci, on va trouver un qui supporte le MCA et l’autre l’USMA, rarement un autre club », confie par ailleurs Toufik qui jure qu’il n’est plus monté au stade depuis le titre de 1999 ramené d’Oran face à la JSK. « C’était merveilleux », se rappelle-t-il. « J’avais à peine 17 ans. Avec des amis, on a cotisé et on a loué un Karsan(camionnette fabriquée par Peugeot) pour se rendre à Oran. On était joyeux durant tout le trajet et la victoire du Mouloudia contre nos amis de la JSK avait été fêtée d’abord à Oran, avec les Hamraoua et les kabyles réunis. Je me souviens comme si c’était hier. Toute l’Algérie a aimé et a fait la fête tellement le MCA représente un pan de l’histoire du pays. Aujourd’hui, je ressens la même fierté d’appartenir à cette famille que mon défunt père nous a légué, lui qui a assisté aux premiers pas du Doyen et a participé à aider l’USMA. ».

Comme on constate, le 116è face-à-face entre le MCA et l’USMA, ce soir, a commencé loin du stade, dans les foyers et les fiefs des deux clubs. Une tradition qui s’était perdue ces dernières années par la faute de certains aigris qui, en 1999, avaient décidé de miser sur des valeurs autres que celles, ancestrales, qui a présidé à la création de ces deux monuments du football algérien.

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