L'incontournable du football africain

« Les grandes nations africaines peuvent remporter la coupe du monde », Tom SaintFiet à Africafootunited

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Tom SaintFiet (51 ans) est l’actuel sélectionneur du Mali. Arrivé à la tête des Aigles en août dernier en provenance des Philippines, il a réussi en trois mois, à qualifier sa nouvelle équipe pour la CAN 2025. On se souvient encore de ses dernières épopées avec l’équipe de la Gambie avec laquelle il a fait les deux dernières CAN.

Dans cet entretien exclusif accordé à Africa Foot United, le technicien belge revient sur les péripéties qui ont émaillé son arrivée au Mali, la brouille avec le Cameroun, ses ambitions avec le Mali, mais aussi son regard sur le football africain qu’il trouve apte à se hisser au sommet du monde.

AFU: Comment se porte le coach en cette fin d’année ?

T. SaintFiet : « Je me porte bien. On essaye de passer du bon temps en famille en attendant le tirage au sort de la CAN. »

AFU: Votre ancienne équipe, la Gambie, sans vous n’est pas parvenue à se qualifier pour la prochaine CAN après deux participations d’affilée avec vous, comment peut-on expliquer cela ?

T. SaintFiet: «C’est très difficile pour moi de parler de la Gambie, car je connais tout le monde là-bas. Les joueurs, le staff, la fédération, je connais tout le monde et même l’environnement. Je n’ai que de bons souvenirs avec cette équipe, avec laquelle j’ai travaillé cinq années et demie. C’est vraiment dommage qu’ils ne soient pas qualifiés. Ils ont été dépassé par les Comores et la Tunisie qui sont aussi de très bonnes équipes. Beaucoup de grandes équipes sont passées à la trappe, comme le Ghana, la Guinée Conakry et Cap-Vert qui ne seront pas aussi à cette CAN. Maintenant ce n’est pas mon rôle de dire ce qui s’est passé pour la Gambie, je regrette juste qu’ils ne soient pas qualifiés, et c’est la preuve que la qualification n’est jamais acquise d’avance.»

AFU: Cette équipe de Gambie n’était-elle finalement pas trop dépendante de votre emprise tactique et mentale ?

T. SaintFiet: « Je ne sais pas, mais c’est clair qu’après cinq ans, je connaissais naturellement bien les joueurs. Quand je suis arrivé à la tête de cette équipe en 2018, elle était 172e au classement FIFA et n’avait pas gagné de match officiel depuis 2013, soit 5 ans. C’est clair qu’à mon arrivée j’ai construit quelque chose tactiquement en fonction des qualités et capacités des joueurs, avec une philosophie de jeu précise qu’on réadaptait au fur et à mesure. À ma signature j’ai dit aux dirigeants que je venais pour qualifier l’équipe pour la CAN, et eux ils m’ont répondu qu’il fallait d’abord gagner un match. Il y a toujours de la qualité dans chaque secteur de jeu, après chaque entraîneur choisit sa tactique, et ce n’est pas mon rôle de juger les autres, mais n’oubliez pas qu’il y avait de bons adversaires en face. J’ai fait mon histoire là-bas avec ma stratégie, il y a eu des résultats, mais aujourd’hui mon rôle ce n’est pas de juger les autres »

AFU: Une fois parti de la Gambie, il y a eu un bref passage aux Philippines, alors qu’on sait qu’il y avait des discussions avec le Cameroun. Racontez nous un peu toute cette période !

T. SaintFiet: « Il y avait l’intérêt de beaucoup de nations pour moi après mon départ de la Gambie. J’ai discuté avec le Ghana, la Tunisie, mais aussi le Cameroun où j’ai discuté avec le Président de la Fédération et avec le gouvernement. Il aussi d’autres nations moins grandes que celle-ci qui ont manifesté leur intérêt. Mais pour moi c’était clair, je voulais travailler avec une grande nation en Afrique, un pays qui peut gagner la CAN, un pays qui peut se qualifier pour la coupe du monde. J’avais fait deux CAN avec la Gambie dont un quart de finale, j’avais été deux fois nominé pour le titre de meilleur entraîneur africain, il fallait passer à une autre étape en signant avec une grande nation. Mais les Philippines m’avait déjà contacté depuis Novembre 2023, me proposant un bon projet avec un bon contrat notamment sur le plan financier. Mais mon ambition c’était de rester en Afrique. Après la CAN, les discussions les plus concrètes c’était avec le Cameroun. J’ai parlé plusieurs fois avec le président de la fédération, Samuel Eto’o, mais ça commençait à prendre du temps. Il a échangé avec le gouvernement, mais la décision n’est pas venue. Le jour où je prends le vol pour les Philippines, je discute encore avec le président de la Fédération Camerounaise, et je lui dis que je dois partir car je ne peux plus faire attendre les Philippines qui avaient des matchs importants en mars, et on était déjà en mi-février. Quand j’arrive aux Philippines, la fédération Camerounaise m’appelle et me demande de lui accorder une semaine avant de signer aux Philippines. J’ai dit aux Philippines d’attendre, et ils m’ont accordé de ne pas signer directement. Mais après une semaine, je n’ai reçu aucune offre concrète du Cameroun, et donc j’ai décidé de signer avec les Philippines pour deux ans, même si après 5 mois j’ai vite compris que ce n’était pas possible d’atteindre mes objectifs avec les Philippines. »

AFU: Est-ce que vous avez été déçu de l’attitude des dirigeants camerounais ?

T. SaintFiet: « Déçu ? Pas vraiment, car je connais les réalités de l’Afrique où j’ai déjà entrainé depuis plus de 15 ans. Je connais les lenteurs dans la prise de décision en Afrique. Évidemment que j’ai été déçu que le deal ne soit pas conclu parce que c’est toujours un plaisir et une ambition d’entraîner une grande nation comme le Cameroun, un pays avec lequel on peut nourrir de grandes ambitions. Mais on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Maintenant je suis content d’avoir signé avec le Mali après »

AFU: Pour votre retour chez vous en Afrique, vous avez atterri au Mali; ce choix a-t-il été facile pour vous ?

T. SaintFiet: « Aucun choix n’est facile à faire, surtout que j’étais sous contrat avec les Philippines. Mais dans ce contrat, il y avait une close qui me permettait de résilier si une grande nation africaine s’intéressait à moi. En début Août quand le Mali me contacte, pour me demander si je suis intéressé, j’avais besoin de parler d’abord avec ma famille car c’est une décision importante, même si le Mali est une grande nation en Afrique. Les Philippines c’est bien organisé, bien structuré, financièrement attractif. Le Mali ne peut pas payer le même montant que les Philippines, c’est clair. Je gagne moins au Mali qu’aux Philippines, mais sportivement, c’était plus intéressant. Ma famille connaît mon ambition de disputer la Coupe du monde et de jouer les premiers rôles en Afrique, alors on m’a soutenu pour prendre la décision de rejoindre le Mali. »

AFU: Vous arrivez au Mali, vous trouvez une sélection en crise, avec certains cadres suspendus par la Fédération, comment se passent vos premiers mois dans ce contexte ?

T. SaintFiet: « C’est vrai que le climat n’était pas très bon, avec notamment les difficultés que l’équipe a eues lors des matchs éliminatoires à la Coupe du monde (5 points et 4 matchs, ndlr), la crise entre les joueurs et la fédération, ce n’était vraiment pas facile. Mais j’ai beaucoup d’expérience en Afrique, du coup j’ai parlé avec tout le monde, en partant du principe selon lequel on n’a pas besoin des meilleurs joueurs, mais on a besoin de la meilleure équipe. C’est à dire une équipe constituée de joueurs qui veulent mouiller le maillot ensemble, pour la fédération et pour toute la nation, car on ne peut jouer que pour une seule sélection, et ça doit être quelque chose de spécial pour chacun. Je voulais un groupe uni, et on a dû travailler dans ce sens.»

AFU: Et par la suite il y a eu une fin heureuse avec cette qualification pour la CAN sans aucune défaite en 6 matchs, parlez-nous de cette belle aventure

T. SaintFiet: « On avait réussi à créer un groupe avec un bon état d’esprit d’équipe. Je n’étais pas chargé de sélectionner les meilleurs joueurs, mais plutôt de constituer la meilleure équipe. Tout le monde peut sélectionner les meilleurs joueurs d’un pays, mais bâtir la meilleure équipe c’est autre chose et c’est notre travail, et il n’est pas facile. On a l’avantage que je suis aussi psychologue, ça aide, et c’est pourquoi on a réussi à vite créer un groupe qui n’a perdu aucun match au final. Aujourd’hui l’atmosphère est bonne, on n’a pas de conflit ni dans le groupe, ni avec les médias, il n’y a pas de choses négatives dans les médias, et les résultats sont là. Se qualifier pour une CAN avec le Mali c’est comme se qualifier avec le Cameroun ou le Sénégal, le Maroc. C’est quelque chose de normal. Notre ambition c’était de gagner chaque match. On s’est crée beaucoup d’occasion. On a eu 17 tirs au buts en moyenne par match, mais on n’a pas beaucoup marqué (10 buts inscrits en 6 matchs, ndlr). Par contre défensivement on a assuré avec un seul but encaissé. Nous sommes avec le Sénégal les seules équipes à avoir réussi cette performance défensive. Sur trois de nos matchs, les adversaires n’ont réussi aucun tir cadré. Cela veut dire que l’équipe est équilibrée, et c’est important pour le futur aussi»

AFU: Est-ce qu’il est plus facile d’entraîner le Mali que la Gambie ?

T. SaintFiet: « Avec le Mali, je n’ai jamais eu le sentiment qu’il était difficile de se qualifier pour la CAN; la preuve on n’a perdu aucun match. C’est toujours plus facile d’entraîner les plus grandes équipes, parce que les infrastructures, la structure et les joueurs sont forcément meilleurs. C’est vrai qu’il y a de la pression, mais il y en a aussi dans les petites nations. En Gambie les supporters sont autant exigeants que dans les plus grandes nations comme le Cameroun, le Sénégal elle Maroc ou la Côte d’Ivoire; il n’y a rien de différent, même la presse pousse derrière, du coup la pression et le stress sont les mêmes. Et pour moi les spectateurs en Gambie ont de plus grandes exigences que ceux du Mali. Ça peut paraître paradoxal, mais c’est une réalité. Mais c’est toujours mieux et plus facile d’entraîner les grandes équipes »

AFU: Lors d’une interview avec vous en phase de groupe de la dernière CAN en Côte d’Ivoire, vous voyiez le Mali comme une potentielle grande surprise pour le trophée. Aujourd’hui que vous êtes sélectionneur de cette équipe est-ce que ce sentiment reste le même pour la prochaine CAN ?

T. SaintFiet: « Je suis un grand amateur du football malien. J’ai croisé cette équipe en phase de poules de la CAN au Cameroun et j’ai vu cette équipe jouer d’autres matchs, notamment à la dernière CAN. Pour moi c’est clair que le Mali a tout pour être une grande surprise lors de la prochaine CAN. Maintenant l’ambition de la Fédération est claire, c’est de jouer la demi-finale, et C’est l’objectif qu’on m’a assigné. La dernière fois que le Mali est arrivé à cette phase c’était en 2013. Sur les dernières années la meilleure position c’est la 7e position occupée en Côte d’Ivoire. Et ce n’est pas acceptable, car le Mali doit aller à la CAN avec les mêmes ambitions que le Cameroun, le Nigéria, la Maroc et les autres grands. On doit être ambitieux. »

AFU: Remporter cette CAN est-il un objectif beaucoup plus réaliste pour vous aujourd’hui que vous êtes entraîneur du Mali ?

T. SaintFiet : « Pour rester objectif , je pense que le Mali peut remporter cette CAN, c’est clair. On a des qualités pour cela. Mais il y a 10 autres équipes qui peuvent aussi le faire. Il y a le Cameroun, la RD Congo, le Sénégal, le Maroc, le Nigéria, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, l’Egypte, l’Algerie et la Tunisie. Le champion d’Afrique 2025 sera l’un de ces pays. Maintenant ça dépendra du tirage, de la disponibilité des joueurs dans les effectifs, et d’autres facteurs décisifs. On a aussi besoin d’un peu de chance, mais c’est clair que le Mali doit y aller avec pour ambition minimale d’atteindre les demi-finales, car on compte parmi les grands.»

AFU: Les éliminatoires de la coupe du monde ont mal démarré pour le Mali avant votre arrivée. L’équipe a cinq points en quatre matchs, il en reste six à disputer, comment voyez-vous ce challenge ?

T. SaintFiet : « Ça ne sera pas facile. Je suis très déçu de ne pas pouvoir recommencer ces éliminatoires dès le premier match. Aujourd’hui on n’est pas en pôle position, il y’a deux équipes à quatre points de plus que nous après quatre journées. Il reste six matchs, et on doit en disputer quatre à l’extérieur et seulement deux à domicile. Avant mon arrivée l’équipe a joué trois matchs à domicile, et c’est dommage de constater qu’on a perdu a domicile face au Ghana et fait nul face à la Centrafrique. Ça rend la tâche plus difficile. Mais notre ambition est claire, on veut se qualifier pour la Coupe du monde. On commence en Mars avec deux matchs à l’extérieur contre les Comores et la Centrafrique, on aura besoin de six points sur ces deux matchs pour continuer de rêver. En septembre on va recevoir les Comores et aller au Ghana. On a beaucoup de matchs à l’extérieur, et c’est la grande difficulté. Mais avec cette équipe tout reste possible. J’ai confiance en mon groupe, on va tout donner en prenant les matchs les uns après les autres. »

AFU: Coach, 2025 est une année décisive pour vous avec le Mali, mais cette question un peu décalée: si l’on vous laissait le choix entre faire demi-finale de CAN ou alors vous qualifier pour le mondial, quel serait votre choix ?

T. SaintFiet : « (rire) Je veux les deux (rire) ! Non, plus sérieusement ma grande ambition en tant que sélectionneur c’est d’aller en Coupe du monde. C’est la raison pour laquelle je suis encore sélectionneur aujourd’hui. J’ai reçu beaucoup d’offres de clubs en Europe et de grands clubs sur le continent (africain), notamment en Égypte, en Algérie, au Maroc, avec des bons contrats, mais j’ai refusé. Le Wydad, le Zamalek, Espérance de Tunis, l’USM Alger, j’ai tout refusé toutes ces offres et même en Europe, seulement parce que je veux aller en coupe du monde pour écrire y l’histoire. Quand le Ghana avait échoué en quart de finale de la Coupe du monde en 2010, j’étais au Zimbabwé en audition pour devenir sélectionneur. Quand on m’a demandé ce que je pense de l’échec du Ghana en quart de finale ? Je leur ai dit que je suis content car je peux encore être le premier sélectionneur à atteindre les demi-finales d’un Mondial avec une équipe africaine. Maintenant le Maroc l’a fait en 2022 au Qatar, mais moi je veux aussi écrire l’histoire en coupe du monde. Je pense que les grandes nations africaines peuvent remporter la coupe du monde. La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Maroc, l’Algerie, le Nigéria et même le Mali peuvent être champions du monde. Avec une bonne préparation, une bonne stratégie pour débuter, avec de la qualité comme il y en a, ça peut se faire. L’Afrique a autant de qualités que les autres nations dans le monde. Le problème parfois c’est le choix des sélectionneurs, car parfois on prend des sélectionneurs qui sont déconnectés des réalités africaines, ils ne réussissent pas à réajuster leur stratégie pour l’adapter à cette compétition en tenant compte des spécificités des nations africaines. Je pense que c’est possible d’aller gagner, et c’est pourquoi je choisirais la Coupe du monde. »

AFU: Un mot sur votre compatriote Marc Brys qui lui aussi a réussi à qualifier le Cameroun pour la CAN ?

T. SaintFiet: « Marc a fait un bon boulot. Il n’a perdu aucun match et a réussi à qualifier le Cameroun pour la CAN, je suis fier pour lui, car il a accompli sa mission. Je suis aussi très heureux pour le football camerounais. Mais je n’ai jamais de doute pour une qualification du Cameroun à la CAN. Car avec tout le respect, ce n’était pas le groupe le plus difficile. La prochaine étape c’est d’aller en Coupe du monde, et après il faudra aller à la CAN pour gagner, c’est clair, car le Cameroun a de la qualité pour cela. C’est un favori éternel de la CAN»

AFU: Et pour sortir, Coach, Il y a eu la cérémonie des CAF Awards 2024 avec le sacre du Nigerian Lookman, un mot sur cette cérémonie et sur le grand vainqueur ?

T. SaintFiet: « C’est un bel événement qui permet de récompenser la performance. J’ai été nominé sur les deux dernières éditions pour le prix du meilleur entraîneur. C’était un honneur. Il y a beaucoup de bons joueurs, mais je comprends le choix de Lookman, avec ses buts en Ligue Europa avec l’Atalanta. C’est quelque chose de spécial, mais il n’est pas le seul. Il y a d’autres joueurs qui auraient pu le gagner, notamment les ivoiriens champions d’Afrique, ainsi que d’autres attaquants qui ont marqué des buts en club. Mais le football ce sont les émotions, et les électeurs on choisi Lookman, et pour moi c’est un bon lauréat. »

AFU: Merci Tom !

T. SaintFiet : « Merci à vous pour ce que vous faites pour la promotion du football africain. On a besoin de médias comme Africa Foot (United, ndlr) pour porter haut le football africain. On se retrouve en Janvier pour le tirage au Maroc (rire)»

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