L’Algérie, candidate pour accueillir la CAN-2025, fait partie des candidats à celle de 2027, la CAF a confirmé jeudi, la « déclaration d’intérêt » affichée par plusieurs pays dont l’Algérie.
Aveu d’échec, serions-nous tenté d’écrire. L’Algérie ne se ferait, donc, plus d’illusions quant à remporter les voix nécessaires lorsque le Comex/CAF tranchera le 15 juillet prochain à propos des candidatures algérienne et marocaine pour reprendre l’organisation de la 35è édition initialement confiée à la Guinée.
Au Maroc, on crie déjà « victoire ». Double victoire même ! Les médias marocains et les réseaux de Faouzi Lekdjaâ jubilent suite à ce qu’ils qualifient de « capitulation » du voisin de l’est, vaincu sur ses « propres terres » puisque les autorités algériennes auraient enfin cédé à l’exigence de laisser l’avion de la RAM, transporteur officiel des équipes nationales du Maroc, survoler le ciel algérien pour transférer la sélection des U17 directement de Rabat vers Constantine où l’équipe de Said Chiba est domiciliée.
En Algérie, hormis l’étonnement et les interrogations qui ont suivi l’annonce par la CAF de la liste des pays qui voudraient accueillir l’édition de 2027 de la Coupe d’Afrique des nations, point de « répliques ». Les officiels semblent plutôt concentrés sur la réussite du rassemblement footballistique qui démarre samedi soir avec comme menu à l’ouverture de ce tournoi un inédit Algérie-Somalie, deux équipes qui ont bien de similitudes malgré les « apparences ». L’Algérie n’est là que parce qu’elle organise alors que la Somalie honore sa première d’où la paradoxale égalité entre un football algérien qui a de la profondeur historique et celui d’un pays dont la relation au ballon rond est quasi-vierge même s’il faut rappeler que la fédération de ce pays, fondée en 1951, est affiliée à la Fifa en 1960, soit bien avant la FAF(1963). La comparaison s’arrête là !
Pour le second tournoi continental des cadets qu’abrite l’Algérie, ils seront douze sélections à animer cette compétition juvénile. Et c’est une première ! La CAF qui n’a pu tenir la précédente édition programmée au Maroc en raison de la crise mondiale du Covid-19 a décidé, comme c’était le cas pour le CHAN-2022, d’augmenter le nombre de 8 à 12 participants à l’occasion de cette 14è édition.
Des 8 vainqueurs durant les treize précédentes phases finales, quatre, en l’occurrence l’Egypte, la Côte d’Ivoire, le Ghana et la Gambie, manqueront à l’appel. Cela prouve que les qualifications jouées fin 2022 n’ont pas été aussi faciles à franchir. Ces absences ne vont pas pour autant rabaisser cette épreuve que la CAF a initiée en 1995.
Les plus titrées parmi les équipes présentes, à savoir le Nigéria (2001 et 2007), le Cameroun (2003 et 2019), le Mali (2015 et 2017) et le Burkina Faso(2011), ainsi que celles du pays hôte(finaliste chez elle en 2009) et de l’Afrique du Sud(finaliste en 2013 et demi-finaliste en 2005) présenteront des ensembles assez truffés en joueurs de qualité. Le Congo (3è en 2009), tout comme la Zambie ou le Sénégal peuvent également créer la sensation tandis que le Sud-Soudan et la Somalie ne serviront pas de simples faire-valoir. La douzième formation qualifiée à cette phase finale, le Maroc, peut rivaliser et se présenter comme un sérieux challenger. La sélection de Said Chiba, vice-championne arabe en Algérie l’année dernière, a écarté lors des qualifications et l’Egypte et la Tunisie, deux pays habitués à prendre part à cette épreuve réservés aux « cadets ». Seulement, à l’instar de la sélection des locaux, double vainqueur du CHAN, les Lionceaux de l’Atlas ont été longtemps pris en otage par les responsables de la FRMF qui ont voulu forcer la main des organisateurs en vue de transporter leur délégation directement de Rabat vers Constantine sur un vol de la RAM.
Un impératif auquel les organisateurs de la CAN ne pouvaient accéder du fait que la décision de fermer l’espace aérien (terrestre et maritime aussi) algérien est signifié aux marocains depuis septembre 2021. Un « interdit » que Faouzi Lekdjaâ voulait abolir à tout prix, par n’importe moyen.
Le président de la fédération royale marocaine s’était inspiré du scénario (qui a foiré) du CHAN-2022 en affichant les « bonnes intentions » avant de se borner à son exigence de défier une décision de souveraineté. Lekdjaâ, qui a de nouveau sorti les cartes de la Fifa et de la CAF, a surtout joué avec les sentiments des jeunes footballeurs et du public marocain qui croyaient qu’il avait tous les pouvoirs. Or, au fond, il savait qu’il était sur une fausse piste et que ni Infantino encore moins Motsepe, « grands amis du Maroc », ne pourront lui être utiles.
a tout le moins, la Confédération pouvait lui accorder les « circonstances atténuantes » en repoussant son délai d’enregistrement de l’équipe soumis à un préalable de contrôle de l’âge biologique à effectuer à Alger.
Lekdjaâ a vu tout flou
En effet, la CAF qui avait fixé la date du 24 avril pour l’arrivée de toutes les délégations à Alger, aux fins d’effectuer les tests relatifs à l’âge biologique des joueurs, seule alternative à leur éligibilité de prendre part à ce tournoi. L’instance de Patrice Motsepe a aussi tenté de concilier les parties concernées par ce quiproquo. D’autant plus que l’éventualité du remplacement du Maroc par l’Egypte, qui avait terminé deuxième durant la phase qualificative disputée en novembre dernier à Alger, n’était plus possible. Non seulement, les délais sont courts, le premier match du groupe B domicilié à Constantine est programmé dimanche et les égyptiens n’avaient pas prévu leur repêchage pour maintenir leur sélection en « veille ».
La nuit du doute
Il fallait donc mettre en œuvre d’autres leviers, ceux imposés par l’Algérie consistant à transférer la délégation marocaine par tout autre moyen que ceux de la RAM. Il fallait, à cet effet, « l’ingérence » du président de la Fifa Gianni Infantino pour que la situation se décante. Après une longue semaine de « manipulation médiatique » et de fake-news.
Le président de la FRMF qui avait rencontré l’équipe dans son lieu de rassemblement à Rabat jouera un monologue dont lui seul connait le scénario. Il incitera durant cette première causerie les joueurs « à honorer » le football marocain dans cette CAN qui « a valeur d’étape importante dans la carrière d’un footballeur » et qui « permet aux joueurs de se frotter aux autres écoles réputées sur le plan international ».
Tout le monde aura fini par comprendre que le Maroc sera en Algérie. Sauf que Lekdjaâ n’était pas à son premier coup de poker-menteur. Attendu, à l’instar de toutes les sélections à partir du 24 avril, les Lionceaux de l’Atlas » qui avaient bouclé leur préparation par deux tests face à leurs homologues du Mali entretiendront le flou quant à leur déplacement en Algérie. Le « refrain » du CHAN venait d’être réenclenché : pas question de déplacement si la délégation ne voyage pas à bord des appareils du transporteur officiel de la fédération royale marocaine. Lekdjaâ, qui espérait entre-temps que la Fifa se décide à octroyer le Mondial des U17 à son pays, entretiendra le suspense jusqu’au dernier moment. Ce n’est que jeudi que le Maroc criera « victoire » à travers des informations insidieusement distillées avançant que l’Algérie a fini par céder devant la fermeté de la Fifa. Officiellement, le site de la FRMF, qui confirmera la seconde causerie entre Lekdjaâ et les U17 de Chiba en présence de Walid Regragui, ne donnera aucun détail sur le moyen emprunté par la délégation marocaine pour rejoindre Constantine. Ce vendredi matin, il annoncera le départ de l’équipe en direction de l’Algérie publiant une vidéo et quelques images des joueurs à bord d’un appareil appartenant à la compagnie du droit roumain Star East Airline. La veille des informations non-confirmées assuraient que la délégation marocaine voyagera à bord d’un avion d’une compagnie luxembourgeoise(Luxaviation).
Les camarades de Zakaria Ouazane (Ajax Amsterdam) auront juste le temps de s’installer au Novotel de Constantine pour entamer la préparation de leur premier match du tournoi face à l’Afrique du Sud, dimanche soir.
L’Algérie n’est pas favorite
C’est la seconde fois depuis 1995 que la CAN met les pieds en Algérie. En 2009, et en l’absence du tenant (Nigéria) à qui la Fifa avait confié l’organisation du Mondial, le tournoi à 8 équipes avait vu le sacre de la Gambie. Cette huitième édition a réuni des sélections qui n’avaient pas de tradition dans la pratique du football en jeunes. A l’exception du Cameroun, les 7 participants partaient sur un même pied d’égalité. L’Algérie qualifiée en tant que pays organisateur n’a même pu régner sur le groupe A dominé par les surprenants gambiens (3 matches, trois victoires). L’équipe d’Abderrahmane Ibrir a vaincu in-extrémis le Cameroun (1-0) et la Guinée (1-0) mais a laissé des plumes face à la Gambie (0-2).
En demi-finale, les Verts avaient croisé le Burkina Faso, leader du groupe B devant le Niger, disqualifié finalement pour avoir aligné un joueur âgé de …22 ans. Un but a suffit aux algériens pour passer en finale où ils retrouveront la Gambie. En 20 minutes, les gambiens ont fait plier Nadir Bendahmane (alors sociétaire de Grenoble, France) et les jeunes footballeurs de l’Académie de la FAF. Grâce à cette seconde place, l’Algérie a pris part au Mondial du Nigéria où elle avait subi trois défaites consécutives durant le premier tour face à l’Italie (0-1), l’Uruguay (0-2) et la Corée du Sud (0-2). Le même sort a été réservé au Malawi (repêché à la place du Niger) qui a essuyé trois défaites en Coupe du Monde respectivement devant les Emirats (0-2), les USA (0-1) et l’Espagne (1-4).
Le champion d’Afrique, la Gambie, n’a pas fait mieux en quittant la CM après avoir subi deux défaites face à l’Iran (0-2) et les Pays-Bas (1-2) , tenant en échec la Colombie (2-2).
Seul le Burkina Faso a franchi le premier tour en terminant deuxième de son groupe(D) derrière la Turquie, unique adversaire à l’avoir battu durant cette phase. Les Burkinabés qui avaient tenu en échec la Nouvelle-Zélande (1-1) et atomisé Costa Rica (4-1) sortiront du Mondial en huitièmes de finale où ils ont subi la loi de l’Espagne (1-4).
L’Afrique aura pourtant son lot de satisfactions lors de cette Coupe du Monde. Le Nigéria, pays organisateur de cette treizième édition dominera, lors du premier tour, le Honduras (1-1) et l’Argentine (2-1) et concédera le nul face à l’Allemagne (3-3). En 8ès de finale, il ne fera qu’une bouchée de la Nouvelle-Zélande (5-0) puis en quarts, il a mis fin à l’aventure des Sud-coréens (3-1).
En demi-finales, le Nigéria affrontera une autre sélection qui avait fait mal à un représentant africain durant cette Coupe du Monde. Il s’agit de l’Espagne dominée de bout en bout dans un Stadium Abuja plein comme un œuf (3-1). En finale, les Golden Eaglets s’inclineront face à la Suisse (0-1).
Depuis, l’Afrique a remporté deux autres trophées mondiaux grâce au Nigéria (2013 et 2015) déjà couronné en 1985, 1993, 2007 totalisant six titres (le Ghana s’est imposé en1991) en 18éditions. Un palmarès éloquent qui fait courir de nombreuses nations africaines qui investissent sur les académies et les centres de formation. L’expérience du Sénégal est révélatrice, à ce titre. Les Lions de la Téranga ont fini par décrocher le titre africain en 2021 imités par les locaux et les U20 en attendant éventuellement l’exploit des U17 présents à cette 14è édition.
L’ambition de disputer une Coupe du monde animera, donc, les douze sélections présentes en Algérie. Le Nigéria, le Mali et le Cameroun sont formellement identifiés pour jouer les premiers rôles. L’Algérie qui a battu le rappel de 9 joueurs expatriés (c’est la deuxième sélection à retenir le plus grand nombre de jeunes évoluant à l’étranger après le Congo, qui en compte 11 éléments) aura l’opportunité de passer le premier tour puis devra espérer un bon tirage en quart de finale pour faire partie du carré d’As qualificatif en Coupe du Monde. La présence de la Somalie, dont c’est une première, du Congo et du Sénégal dans le groupe A peut s’avérer déterminant pour les poulains de Rezki Remmane qui n’a pas échappé aux critiques malgré un titre arabe acquis de haute lutte face au Maroc en septembre dernier.
L’argument physique n’est pas le seul handicap pour les frêles algériens. Leur manque de préparation et la faiblesse des championnats des jeunes en Algérie sont tels qu’exiger le titre continental à Moslem Anatouf et ses amis est à la limite du criminel. Une telle exigence quelle que soit ses retombées peut détruire toute une carrière.
CAN-2027, les « motivations » de l’Algérie
Le « dossier CAN-U17 » plié, revenons maintenant aux vraies raisons qui ont poussé l’Algérie à manifester son intérêt pour abriter la 36è CAN de football ‘’seniors’’ prévue en 2027, alors que tout le monde espérait la voir choisie par la CAF pour l’édition de 2025. Les marocains ont été les premiers à jubiler en apprenant que l’Algérie a émis le vœu d’organiser le tournoi programmé dans quatre ans pour lequel d’autres pays, l’Egypte, le Botswana ainsi qu’une candidature conjointe Kenya-Ouganda-Tanzanie. Cette déclaration d’intérêt à valider par une soumission finale de l’offre en date du 23 mai n’a rien d’étonnante. Mieux, c’est un « acte stratégique réfléchi » de la part des autorités Algériennes. L’Algérie a préféré s’engager pour ce challenge pour, d’abord, souligner sa grande disponibilité à accueillir la jeunesse africaine sur son sol à tout moment et en toute circonstance. Elle adresse une gifle à tous ceux qui croient que son intérêt suprême est de régner sur le continent, peu importent les moyens. Organiser la CAN-2025 se mérite et la CAF, qui a mis la barre très haut, se doit de respecter ses propres engagements et son cahier de charges.
La Confédération sait désormais que le Maroc, qui ne figure pas sur la liste des postulants à la CAN-2027 se considérant l’incontournable organisateur de celle de 2025, agit par opportunisme. Lui qui a refusé d’accueillir l’Afrique en prétextant Ebola. C’est donc un véritable camouflet pour la diplomatie sportive marocaine. Un Maroc qui a tenté vainement d’incriminer l’Algérie de vouloir reprendre la CAN confiée à la Côte d’Ivoire après avoir exécuté la même manœuvre en 2021 accusant l’Algérie de vouloir retirer la CAN au Cameroun.
L’acte exprimé par l’Algérie est éminemment politique et renvoie à la fondation d’une Afrique unie, fondée sur la liberté de choisir. Aujourd’hui, la CAF sait que quiconque à qui elle a à faire. Le 15 juillet à Cotonou, son verdict sera la meilleure réponse à tous ceux qui la croient otage de Lekdjaâ.