Le football, souvent perçu comme une simple distraction, peut devenir le théâtre d’engagements bien plus profonds. Pour certains joueurs, les convictions personnelles – politiques, morales ou fondées sur des principes inébranlables – priment sur la gloire sportive. Hakim Ziyech, Johan Cruyff et Bernd Schuster en sont les parfaits exemples.
Alors que Ziyech, écarté de la sélection marocaine après ses prises de position en faveur de la Palestine, pourrait manquer la Coupe du Monde 2026, son histoire rappelle celle de Cruyff, qui refusa de participer au Mondial 1978 en Argentine en pleine dictature militaire, ou celle de Schuster, privé du Mondial 1982 en raison d’un conflit avec son sélectionneur. Trois joueurs, trois époques, mais une même réalité : celle où le football passe au second plan face à des enjeux plus grands.
Hakim Ziyech écarté du Maroc : Le Maroc vers un Mondial 2026 sans sa star ?
L’absence répétée de Hakim Ziyech en sélection marocaine suscite l’inquiétude. Pourtant l’un des artisans du parcours historique des Lions de l’Atlas lors du Mondial 2022, le milieu offensif brille désormais par son absence dans les listes du sélectionneur Walid Regragui. Officiellement, la Fédération marocaine invoque des raisons sportives. Mais cette explication laisse sceptique.
La coïncidence est troublante : son éviction survient alors qu’il multiplie les prises de position en faveur de la Palestine, en contradiction avec la normalisation des relations entre le Maroc et Israël depuis 2020. Ses publications pro-palestiniennes sur les réseaux sociaux auraient-elles joué contre lui ?
Aujourd’hui, une question cruciale se pose : Ziyech risque-t-il de manquer la Coupe du Monde 2026 ? Si la situation perdure, le Maroc pourrait se priver volontairement de l’un de ses joueurs les plus créatifs, à un an du tournoi. Un scénario qui rappelle tristement d’autres stars du football, comme Johan Cruyff en 1978, prêtes à sacrifier une Coupe du monde pour leurs convictions.
Entre calcul sportif et pression politique, l’affaire Ziyech soulève une question plus large : jusqu’où un joueur peut-il défendre ses idées sans mettre en péril sa carrière internationale ? La réponse, dans les mois à venir, pourrait bien priver les Lions de l’Atlas de leur magicien pour le Mondial 2026.
1978 : Le boycott silencieux de Cruyff contre la dictature argentine
Alors que la planète football vibrait pour la Coupe du Monde 1978, Johan Cruyff, le génie néerlandais et Ballon d’or en titre, fit un choix qui résonne encore aujourd’hui. Sous couvert de raisons familiales, le numéro 14 des Pays-Bas déclina sa participation au Mondial argentin. Ce n’est que des années plus tard qu’il révéla la vérité : un acte de résistance délibéré contre la junte militaire de Jorge Videla, responsable de la disparition de milliers d’opposants.
L’impact fut immédiat. Privés de leur maître à jouer, les Oranjes échouèrent en finale face à l’Argentine (3-1), dans un stade Monumental survolté où le général Videla en personne remit le trophée. Cruyff, informé des exactions par des exilés argentins à Barcelone, avait pris position sans fracas. « On m’a montré ce qui se passait dans les prisons de Buenos Aires. Comment aurais-je pu jouer là-bas ? », confiera-t-il bien plus tard.
Un geste d’autant plus fort qu’il contrastait avec le silence de la plupart des institutions sportives de l’époque. Trente ans avant les messages pro-palestiniens de Ziyech, Cruyff avait montré que, parfois, le football doit s’effacer devant l’humanité. « Certaines choses sont plus importantes que le football », résumera-t-il simplement.
Bernd Schuster et le Mondial 1982 : Un génie sacrifié pour rien
Le cas Bernd Schuster reste l’un des gaspillages de talent les plus tragiques de l’histoire du football allemand. Alors que la Mannschaft atteignait la finale du Mondial 1982 en Espagne, son architecte potentiel en était réduit au rôle de spectateur. La raison ? Un conflit personnel insoluble avec le sélectionneur Jupp Derwall.
À 22 ans à peine, Schuster était déjà la star montante du football allemand. Son arrivée au Barça en 1980 confirmait son immense talent. Mais son fort caractère et son refus de se plier aux règles strictes de la sélection allemande créaient des tensions irréconciliables.
Le point de non-retour survint en 1981. Schuster, excédé par les méthodes de Derwall, claqua la porte de la sélection. privée de sa créativité, l’Allemagne joua le tournoi de manière atrocement défensive. La finale perdue contre l’Italie (3-1) a mis en évidence l’absence d’un joueur visionnaire.
Son bannissement dura jusqu’en 1984 (21 sélections seulement), avant une rupture définitive. « J’ai préféré ma dignité à un maillot », résumera-t-il. Ce gâchis influencera durablement la gestion des talents en Allemagne – préfigurant les crises ultérieures avec Özil ou Gündogan.
Preuve que, parfois, les conflits personnels coûtent plus cher que les défaites : l’Allemagne de 1982 aurait probablement remporté ce Mondial avec son génie . Une leçon que le Maroc ferait bien de méditer à l’approche de 2026…
Football et convictions : l’impossible équation ?
L’histoire se répète : Ziyech rejoint Cruyff et Schuster dans le club des génies sacrifiés. Trois époques, trois contextes, mais une même réalité – quand le football rencontre la politique ou les ego, le talent passe souvent au second plan.
Le Maroc de 2026 sera-t-il plus fort sans Ziyech ? Les Pays-Bas de 1978 auraient-ils gagné avec Cruyff ? L’Allemagne de 1982 manquait-elle vraiment Schuster ? Ces questions sans réponse hantent le football depuis des décennies, rappelant que le beau jeu n’est jamais complètement maître de son destin. Une certitude demeure : les plus grandes nations sont celles qui savent concilier talent et convictions. À méditer à l’approche du Mondial 2026.
