L’autre fois un ami, Zakaria Djebbour, expert en football de son état, m’expliquait le pourquoi de l’écart de niveau entre les sélections favorites dans ce Mondial de Qatar et celles qui avaient provoqué des étincelles au début du tournoi avant de s’éclipser dès le premier tour.
Pour lui, l’une des raisons sinon la principale cause est que les grands joueurs dans cette compétition d’élite appartiennent à la vingtaine des plus puissants clubs au monde. Ceux qui font la pluie et le beau temps en Europe, à travers les épreuves de l’UEFA et même de la Coupe du monde des clubs initiée par la Fifa.
Des clubs à vedettes, en somme. Des footballeurs de renom qui, pour la plupart, sont fabriqués localement(en Europe donc) ou en Amérique du Sud, de plus en plus nombreux depuis les années 90.
Peu d’entre ces footballeurs valorisés sont issus des championnats des continents africain et asiatique pour ne citer ceux-là.
Selon lui, c’est comme ça que des équipes africaines respectées ne sont pas là (Algérie, Egypte et Nigéria) ou qui, comme le Sénégal, le Ghana ou le Cameroun, ont fait de la figuration. « L’Algérie a dans le haut niveau Mahrez et Bennacer, l’Egypte a Salah et le Sénégal avait Mané mais qui finalement a du déclarer forfait », précise-t-il.
Seul le Maroc dont l’effectif est composé de plusieurs éléments exerçant dans de bons clubs en Bundesliga(Mazraoui), en Serie A (Amrabat), en Premier League (Ziyech et Saïss), en LaLiga (Bounou, En-Nesyri et Ezzalzouli) ou en Ligue 1(Hakimi, Boufal et Ounahi) a pu soutenir la comparaison en réalisant un parcours de champion. C’est avec de tels ingrédients, ces joueurs formés ou recyclés dans des clubs européens, que Regragui a pu faire chuter la Belgique, l’Espagne ou le Portugal en faisant jeu égal avec la Croatie et même la France. Soit le gratin du football mondial et dont les composantes sont issues des grands championnats précités.
Le Maroc, c’est un peu une génération spontanée à la différence que les joueurs évoluent sous des cieux plus cléments.
En 1978, la Tunisie a brillé en Argentine avec des footballeurs formés dans les terrains vagues de Tunis, Sousse et Sfax. Rappelons-nous Attouga, Naili, Agrebi, Temime, Akid, Tarek Diab et toute cette compagnie dirigée par un entraineur local, Abdelhamid Chetali.
En1982, l’Algérie avait réalisé l’œuvre grandiose en 1982 en Espagne avec Khalef Mahieddine et son groupe constellé d’étoiles inconnues (Belloumi, Madjer, Merzekane, Zidane, Assad etc.) entourés de quelques émigrés (Dahleb, Mansouri et Kourichi) à la qualité et à l’intégrité bien établies.
Le Maroc avait déjà illuminé en 1986 le ciel de Mexico, Guadalajara et Monterrey grâce à une génération d’artistes emmenée par Timoumi, Khairi, Bouderbala et Badou Zaki, tous issus du championnat marocain qui, plus tard, ont migré vers des championnats européens ou des pays du golfe.
C’est pourquoi, s’il faut saluer la performance des Lions de l’Atlas durant ce Qatar-2022, si exceptionnelle puisqu’aucune équipe africaine ne l’a réalisé auparavant et qui, peut être, ne pourra pas être rééditée d’ici 50 ans, il faut bien convenir que les exploits antérieurs des sélections africaines, celles du Maghreb en particulier, étaient le fruit d’un travail mené localement, par des nationaux et avec des méthodes que des pays européens ont adopté par la suite. Et c’est comme ça que, à titre d’exemple, la France domine aujourd’hui le football international.
Car, si le joueur est national sa formation est transnationale. La France, qui reste un exemple à suivre dans la structuration de son football, a bien compté sur les expériences des Hongrois, des Espagnols, des Roumains et autres Allemands. George Boulogne avait commencé par éliminer les barrières entre le football amateur et professionnel avec la mise en place d’une DTN chargée de repenser les manuels du jeu à onze. Et les principales barrières étaient d’ordre humain, les africains de couleur, les maghrébins et ceux du DOM-TOM intégraient les centres de formation et faisaient partie intégrante des différentes sélections françaises. Marius Trésor était la locomotive, suivi par les Janvion, Tigana, Boli, Vieira, Dessailly, Zidane, et bien d’autres encore qui apportaient leur force naturelle et une technique au-dessus de la moyenne. Sans ces joueurs, la France n’aurait jamais connu la gloire en Europe (1984 et 2002) et en Coupe du monde (1998 et 2018) n’en déplaise à tous les experts du Bashing et autres racistes de dernière heure. Aujourd’hui, il ne s’agit de vivre sur la nostalgie. Le Maroc, comme l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte et nombre de pays africains, avaient connu la gloire avant de rentrer dans les rangs faute de stratégie. De bon sens. L’épopée des Lions de l’Atlas ne doit pas nous endormir. C’est un acte fondateur qui participe à un éveil que la jeunesse africaine contemple sans discontinuer mais qui, finalement, est brisé par des « stratèges » d’infortune pour qui le « made in » et le cash-money font bon ménage avec la réussite. Leur réussite…