C’est l’épreuve des caprices. Elle est capricieuse parce qu’elle ne fait pas de différence entre « grands » et « petits ». Même si elle a des préférés, ceux qu’on appelle les « spécialistes », elle reste cet espace où l’incertitude est à son paroxysme.
La Coupe d’Algérie, de retour sur scène après quatre ans d’éclipse à cause du Covid-19 mais surtout d’autres questions liées à la gestion (mauvaise) du calendrier, a atteint lors de cette 55è édition l’étape des demi-finales à jouer ce week-end.
Deux rencontres inédites y sont prévues. Il s’agit de JS Saoura-ASO Chlef et de NC Magra-CR Belouizdad, quatre formations de la Ligue 1 Mobilis, palier durement secoué durant cette édition. Les plus « gros bras » à l’exemple de l’ESS, l’USMA, le MCA, le MCO ou la JSK ont été chassés dés les premiers tours. D’ailleurs, deux formations présentes parmi ce carré d’as, le NCM et la JSS en l’occurrence, ont eu raison du MC Alger et de l’ES Sétif, deux géants aux pieds d’argile.
Ce n’est pas sans raison que, logique aidant, les adeptes du pronostic se font malins en affichant leur préférence pour le Chabab de Belouizdad qu’ils voient comme étant le favori sans conteste de cette épreuve. Le CRB est tenant de la coupe et fut champion d’Algérie trois fois de suite. Le club de feu Hassan Lalmas est plus proche de conclure sa saison par un quatrième titre national consécutif et postule, donc, à décrocher un doublé qui lui tend les bras. Sauf que… « Dame coupe » pourrait avoir un autre avis qui viendrait contredire les plus optimistes des fans de l’équipe de Laâqiba. Mais également les desseins de certains décideurs qui voudraient que l’issue de cette 55è copie de la coupe nationale soit favorable aux Rouge et Blanc.
Enfin, c’est ce que pensent Mohamed Zerouati et Azzedine Bennacer, les présidents respectifs de la Saoura et de Magra. Deux dirigeants furax au lendemain d’un tirage au sort reporté à plusieurs reprises pour des considérations inavouées, même si officiellement l’attente de la fin du quart de finale y était invoquée, lequel tirage aura été favorable à leurs équipes dont le nom est sorti le premier, « règle » fixée par les organisateurs de l’épreuve populaire pour qu’elles puissent évoluer chez elles et devant leurs galeries.
La FAF avait tout prévu, pourtant, pour que ce quiproquo ne vienne pas mettre du désordre. Lors de la cérémonie de tirage au sort consacrée aux huitièmes de finale et aux quarts, elle avait annoncé que la technologie du VAR allait être introduite à partir des demi-finales. Pas avant, pas après.
Debichi et Medouar, mauvais élèves…
Personne n’a jugé utile de contester cette « entorse » à la réglementation. Celle-ci ne pouvait évoluer en cours de saison et chaque changement dans les textes devait passer par le bureau fédéral avant qu’il soit annoncé officiellement avant le début de la compétition. Or, la FAF a entériné la décision de faire appel au VAR lors de sa réunion du 9 mai, soit quelques jours avant le déroulement du quart de finale (trois matches ont eu lieu entre le 12 et le 13 mai et le dernier, opposant le CRB et l’ASK a eu lieu le 21 mai). Qu’à cela ne tienne, comme dirait l’autre. Personne n’a osé contester l’enfreinte à la loi. La FAF ayant même donné de faux espoirs aux candidats encore en lice pour la demi-finale en dépêchant des Commissions d’inspection dans les stades des villes dont les clubs sont en course. Deux anciens chevaliers du sifflet, Mehdi-Abid Charef et Abdelhak Etchiali, respectivement coordinateur de la CFA chargé du VAR et Directeur technique national d’arbitrage, sont partis voir la faisabilité d’une telle technologie dans les stades de Magra, de Béchar et de Chlef. Aucune information n’a filtré sur les éventuelles orientations ou décisions prescrites au lendemain de ces visites pas du tout inopinées puisque même les responsables civiles et militaires des localités susmentionnées étaient présents. Ce qui donnait de la « force » aux dossiers de candidature des stades des frères-Boucheligue de Magra, le 20-août 55 de Béchar et Mohamed-Boumezrag de Chlef.
Tout ce qu’on sait de ce « dossier » placé « secret confidentiel » est que des réserves ont été émises et que les autorités locales des villes précitées ont fait, ou faisaient, le travail qui s’imposait.
Mais, au soir du tirage au soir, coup de tonnerre ! Le SG de la FAF, Mounir Debichi ouvrira un front à la contestation en annonçant que « la désignation des stades des demi-finales sera annoncée dans quelques heures ». Commencera alors le ballet des déclarations dont certains médias raffolent. En guest-star, le sulfureux boss de la JSS, Mohamed Zerouati, qui ne se privera pas de balancer toute sorte d’obus à l’endroit de la FAF, son SG en particulier, et de la LFP, le président Abdelkrim Medouar en premier. Les gros mots et les grands maux du football algérien seront débités à l’occasion d’interventions multiples à différents niveaux. Le chairman de l’équipe du sud-ouest algérien a même convoqué une conférence de presse durant laquelle les questions étaient soigneusement choisies. Les reporters présents ne cessaient, en effet, de rappeler à Zerouati ses démêlées avec Debichi et Medouar, histoire de le « chauffer » davantage à déballer ses vérités pas du tout innocentes. Et certainement pas toutes vraies dans la mesure où ce même dirigeant savait que la FAF a enfreint la réglementation mais se disait que, peut être, tout cela ne le regardait pas tant que sa JSS ne serait pas menacée. Il tenait cette certitude du fait que le stade de Béchar a accueilli des matches de la Ligue des champions d’Afrique dont celui qui opposait son équipe au géant africain du National SC du Caire. Il ne pensait pas que la FAF allait se ranger du côté de la CAF pour délocaliser la demi-finale.
Le trublion Zerouati, Bennacer le revanchard
Zerouati a-t-il la mémoire courte ? Certainement pas. Lui qui n’a pas été tendre avec la FAF qui avait abandonné son équipe lorsque celle-ci allait accueillir les Ivoiriens de Gagnoa à la mi-octobre dernier, en match du 2è tour préliminaire de la coupe de la CAF. Prévu à Béchar, celui-ci a été reprogrammé dans le nouveau stade d’Oran puis a été délocalisé dans le stade du 8-mai 45 de Sétif. Le tout en moins de 48 heures, et l’équipe de la Saoura allait accomplir un périple de 10 heures pour quitter Oran, où elle avait commencé les préparatifs, pour rallier (de nuit) Sétif distante de 670 km.
Zerouati n’a pas oublié, a menacé puis s’est rétracté. Pouvait-il en être autrement ? Certainement que non sachant que tous ceux qui fréquentent les circuits du football sont aux ordres. Il fallait juste à Zerouati de trouver la parade pour ne pas sembler ridicule aux yeux des supporters des Faucons du sud. Et le président de la JSS n’en manque pas de génie pour expliquer sa reculade. « Je ne peux me mettre à défaut devant une compétition dédiée à la république », avançait-il. Même un chef de parti n’aurait pas osé une telle affirmation.
Quid du président du NCM, Azzedine Bennacer ? Membre élu dans la liste aux élections de la FAF dirigée par Djahid Zefizef, Azzedine Bennacer n’a pas accepté que l’on triture à la réglementation. Il a surtout dit que les travaux demandés par la Commission d’homologation sont en cours et que les réserves seront levées. Ceci au moment où la FAF entérinait la délocalisation des rencontres. Azzedine Bennacer, chargé du développement du professionnalisme, n’était pas content et trouvait là l’occasion de fustiger ses anciens pairs de la FAF. Mais, comme Zerouati, la raison d’Etat prime, l’autorité publique décide de tout et de rien, Bennacer acquiesce et renonce au boycott à peine prononcé mercredi soir. Jeudi, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. L’équipe de la Saoura regagne Oran et celle de Magra en fait de même en se rendant à Constantine pour fignoler les derniers détails avant d’affronter le CRB. Les matches auront lieu sans que les damnés n’aient remporté leur combat. Car, « Dame coupe », si capricieuse, a trouvé consensus avec d’autres partenaires. Moins malicieux mais plus convaincants. La commedia dell’arte a assez duré et la Coupe du président de la république n’a pas à souffrir des partitions de comédiens trop mauvais pour être vrais. Ainsi va le football algérien. Le spectacle continue.
