Deux mois après la fin de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire où les sélections nord-africaines n’ont pas du tout brillé, quittant la compétition après un petit tour voir un deuxième, seul le Maroc n’a pas opéré de changement à la tête de la barre technique.
La CAN TotalEnergies – Côte d’Ivoire 2023 avait fini par désigner son vainqueur parmi les 24 sélections engagées le 13 janvier, qui n’est autre que le pays hôte. La Côte d’Ivoire, presqu’éliminée au 1er tour, est revenue de très loin pour aller jusqu’au bout. Tout le monde connaît l’histoire. Mais qu’en est-il des sélections nord-africaines qui ont sombré, entraînant dans leur sillage des changements à la tête de leurs staffs techniques respectifs ? A l’exception du Maroc, dont le Président Fouzi Lekjâa a mis fin à des rumeurs faisant part du départ du sélectionneur Walid Regragui. Le patron du football marocain a non seulement réitéré sa confiance à son sélectionneur, mais a indiqué que ce dernier s’inscrit dans un projet global et des perspectives bien tracées visant à décrocher des titres et à faire rêver la nation marocaine.
Concernant la dernière CAN 2023, Lekjaa soulignera la difficulté des conditions dans ce pays, d’où ce retour sur le rendement de ces nations nord-africaines qui, une fois encore, n’ont pas fait long feu dans cette compétition. Le temps aussi de s’attarder un peu sur les raisons de cet énième échec de ces équipes ayant évolué en dehors de leur habituelle zone de confort.
S’il y a deux ans les Pharaons ont réussi à se hisser en finale avant de céder le titre aux Sénégalais lors de la séance des tirs au but, cette fois aucune nation n’a dépassé le cap des huitièmes de finale. Il faut remonter jusqu’à l’édition de 2013 pour retrouver une telle performance, qui fait déjà débat chez les spécialistes.
C’est ainsi, que l’Algérie et la Tunisie sont tombées dès la phase des poules en occupant la dernière place de leurs groupes respectifs avec deux petits points à leurs actifs, alors que l’Egypte et le Maroc ont dû décrocher dès les huitièmes. La première aux tirs au but face à la RD Congo, au bout d’un quatrième match nul, et le second, en se faisant balayé par le réalisme Sud-africain (0 à 2).
Triste bilan pour ces quatre nations : 2 victoires seulement sur 14 matchs disputés, dont deux lors des huitièmes de finale, celles du Maroc face à la Tanzanie (3 à 0) et la Zambie (1 à 0) en phase de poule, contre 9 matchs nuls (4 pour l’Egypte, 2 pour l’Algérie, 2 pour la Tunisie et 1 pour le Maroc) et 3 défaites (1 pour chacune de ses sélections : Algérie, Tunisie et Maroc).
Du coup, plusieurs observateurs assidus de la scène footballistique continentale ont remis sur la table de l’analyse le fameux syndrome de la CAN hors de la zone de confort des sélections nord-africaines (UNAF) qui ne sourit que très rarement à ces dernières. En effet, en épluchant le palmarès de la CAN depuis sa création en 1957 et la première édition disputée au Soudan (pas encore partagé entre le nord et le sud) les sélections du nord de l’Afrique ont réussi à gagner 11 fois le trophée sur 34 éditions, soit 32% (presque le tiers), dont 63% reviennent à la seule Egypte (7 titres sur 11) qui détient toujours le record de consécrations.
En plus de ces 11 trophées, les sélections nord-africaines sont parvenues sept fois en finale avant de laisser filer le sacre : l’Egypte, trois fois (1962, 2017 et 2021), la Tunisie deux fois (1965 et 1996), l’Algérie et le Maroc une fois chacun (1980 pour les Verts et 2004 pour les Lions de l’Atlas). Cela donne un ratio de 53%, soit plus de la moitié des éditions disputées jusqu’ici, ont vu les sélections nord-africaines arriver en finale pour en gagner 11 et perdre 7, avec toujours l’Egypte en tête (10 finales animées, dont 7 gagnées).
La profondeur … continentale de l’Egypte
Les Pharaons courent toujours depuis un huitième titre continental dont le dernier a été glané en 2010 en Angola après ceux de 1957, 1959, 1986, 1998, 2006 et 2008. Pourtant, à deux reprises, en 2017 et en 2021, la génération Mohamed Salah a tenté de rallumer la flamme de celle d’Abou Trika qui a régné durant trois éditions consécutives sous la baguette du sélectionneur Hassan Chehata. Grande nation du football africain, l’Egypte a réussi à aller chercher quatre trophées hors de ses bases : Soudan (1957) lors d’un tournoi triangulaire, Burkina Faso (1998), le Ghana (2008) et l’Angola (2010). Mais cette profondeur continentale faisant pendant longtemps la force des Pharaons, a tendance à s’effilocher au fil des années. Est-ce le fait de l’absence d’une génération dorée à l’image de celles d’El Khatib et d’Abou Trika qui fait défaut ? Ou seraient-ce les progrès du football africain et les changements constatés qui permettent aujourd’hui à des nations de faire la différence ? Ce qui est certain, c’est que la phase finale en Côte d’Ivoire, a confirmé les difficultés des nations nord-africaines de s’imposer en dehors de leurs bases, puisque l’Algérie (chez elle en 1990 et en Egypte en 2019) et la Tunisie (en 2004 chez elle) restent sur cette thèse, alors que le Maroc, vainqueur lors d’un tournoi en Ethiopie (en 1976) demeure une exception.
Les conditions climatiques, toute une raison
Le déroulement de la CAN dans un autre pays autre que la zone UNAF est apparemment un élément qui a souvent perturbé les sélections nord-africaines qui, à chaque fois, devaient penser à l’aspect acclimatation avant l’entame de la compétition. La sélection nationale algérienne a beau accomplir un stage à Lomé, au Togo, où elle s’est apparemment bien préparée, aux dires des joueurs et de l’ex-sélectionneur Djamel Belmadi, avec à la clé deux matchs amicaux gagnés face au Togo A’ et le Burundi, mais une fois à Bouaké, les données ont complètement changé. Surtout lors du dernier match face à la Mauritanie, où l’équipe a perdu tous ses repères sur le terrain. Evidemment, Belmadi, tout comme Regragui ou bien Kadri le coach tunisien, chacun a pris sur lui la responsabilité de l’échec. Sauf que cette fois, tous les arguments liés à l’état des pelouses ou au climat ne peuvent à eux seuls tenir la route, et les raisons il faut peut-être aller les chercher ailleurs, même si passer d’une température de 3°c à plus de 30°c et un taux d’humidité frôlant les 90% n’est jamais une sinécure !
Le handicap d’une CAN disputée en milieu de saison
Les joueurs nord-africains éprouvent-ils plus que d’autres des difficultés à évoluer lorsque la CAN est organisée en plein milieu de la saison ? C’est un autre paramètre avancé par certains pour expliquer les contreperformances des nations Maghrébines en particulier. Mais est-ce vraiment un handicap, d’autant que d’autres sélections s’y accommodent naturellement, malgré le fait que leurs joueurs évoluent pour la plupart hors du continent africain, soit majoritairement en Europe. La motivation des joueurs est-elle remise en doute ?
Des psychologues du sport de haut niveau essayent de comprendre, alors que d’autres avancent des thèses liées à l’aspect technique, en plus de la motivation psychologique. Une question de génération, estiment d’autres observateurs au vu des résultats passés et du palmarès de cette CAN qui a, à chaque fois, consacré des nations dont la sélection était au diapason sur tous les plans : une bonne cuvée de joueurs, un état d’esprit de gagneurs, un staff technique à la hauteur du potentiel équipe et bien d’autres ingrédients, facteurs de réussite.
Faut-il s’appuyer sur des joueurs locaux plus habitués des compétitions continentales des clubs ? Là également, le dernier Championnat d’Afrique des nations (CHAN 2023) auquel ni l’Egypte, ni la Tunisie et ni le Maroc pourtant annoncé, n’ont participé, n’a pas souri aux algériens chez eux devant le Sénégal en finale, perdue aux tirs au but. Souvent composées de joueurs binationaux, les sélections Algérienne et Marocaine, et un degré moindre Tunisienne, habitués au climat et conditions européennes éprouvent de grosses difficultés à rivaliser avec leurs homologues du continent, même si celles-ci sont elles aussi renferment des armadas de footballeurs venant de divers horizons, notamment du Vieux continent.
Ce qui est certain, c’est que les résultats et le parcours des sélections nord-africaines lors de la CAN mériteraient une étude un peu plus approfondie, d’autant que l’Union nord-africaine de football (UNAF) dispose de compétences techniques et autres capables de décortiquer les faits, et sur plusieurs éditions, afin de fournir un éclairage un peu plus concret sur ces échecs récurrents. A la CAN 2023, avec 24 équipes, aucun représentant nord-africain ne s’est qualifié aux quarts de finale, une première en dix ans. Une régression à méditer et à corriger au plus vite, et à ne dormir sur les lauriers de la prochaine édition qui aura lieu justement au nord de l’Afrique, au Maroc, et de surcroît en été suscitant moult espoirs de sacre chez les … nord-africains qui ne veulent pas perdre cette fois le nord.