Le CHAN, c’est bientôt fini. Samedi soir, l’Afrique découvrira le tout nouveau maitre du football continental dans sa version locale. Ce sera soit l’Algérie ou le Sénégal, deux équipes qui n’ont pas été de la fête depuis la première édition disputée en Côte d’Ivoire, en 2009.
Le nom du champion mis à part, le CHAN-2022 a révélé quelques belles vérités. Celle d’un succès sans précédent sur le plan organisationnel. Nous ne le rappellerons jamais assez : l’Algérie a mis les moyens pour que cette 7è édition soit la meilleure. Inspirée par le Qatar qui a émerveillé la planète par la qualité de son organisation, l’Algérie a placé la barre très très haut. Motsepe a reconnu et a fait le vœu de voir le pays des 1 million et demi de Chouhadas abriter d’autres grandes manifestations sportives. Comme la CAN-2023 des U17 (29 avril-19 mari) et pourquoi pas la CAN-2025.
Sur le vu de ce qui s’est passé lors de cette manifestation, difficile de ne pas accorder cette « fleur » aux Algériens. Le Maroc trouvera à redire certainement mais l’Afrique, unanime, à eu à vérifier de visu le niveau high-tech des installations sportives, aéroportuaires, hôtelières, et tut quanti que le gouvernement algérien a mis en œuvre pour une compétition jadis désœuvrée et mal acceptée par nombre de fédérations nationales à l’exemple de la Tunisie, l’Egypte, le Nigéria et bien le Maroc. Un Maroc qui s’est bien fait un nom grâce à ce CHAN qu’il remporta à deux reprises avant de se mettre à carreaux pour des considérations peu sportives. Lekdjaâ, membre du Comex-CAF et du Conseil de la Fifa, a beau transposé le problème dans un terrain politique, il lui faudrait se convaincre pour expliquer éventuellement pourquoi la CAF ne l’a pas suivi en retirant, à toute fin utile, la CAN-2023 des U17 aux Algériens. Aura-t-il cette fois le courage d’envoyer ses jeunôts à Constantine (quelle coïncidence un tirage au sort peut provoquer) en vue de croiser le Nigéria, l’Afrique du Sud et la Zambie si d’aventure l’Algérie n’accepterait pas de se plier à ses caprices ?
Au Maroc, où les appels au retrait de la CAN-U17 à l’Algérie ont mis à feu la toile, les voix sibyllines n’ont pas réussi à infléchir la force du droit que s’impose le Dr. Motsepe mais surtout son SG, le congolais Véron Mosengo-Omba. Lui, il se souvient comme tous les Camerounais qui avaient craint l’éventualité de se voir retirés la CAN-2021à cause de la propagande marocaine, que son autorité a été mise à rude épreuve par le sieur Fouzi Lekdjaâ. Et puis comment peut-on décider de priver un pays, désigné en mai 2021, d’un tel honneur alors qu’il a donné la preuve de sa « compétence » à organiser merveilleusement le CHAN ? L’Afrique en témoignera.
Maroc, le Mondialito pour « frimer »
L’histoire aussi retiendra comment l’Algérie s’est montrée patiente face aux accusations et élucubrations. Une guerre féroce avec des armes non-conventionnelles. C’est bien qu’après ce coup de maitre, l’arroseur se voit arrosé par ses propres relais. Le Mondialito, parlons-en ?
Voilà une foire concoctée par la Fifa dans le strict standard de gagner des sous. Les clubs participants gagnent de l’argent et en voudraient davantage et c’est normal pour des institutions sportives industrialisées. Mais, déjà étourdis par les effets d’un Mondial en hiver et malgré les compensations promises par Gianni Infantino, certains d’entre eux, le Real Madrid pour ne pas le nommer, trouve l’évènement « hors de propos ». Cette année, le club merengue qui a subi une baisse de l’ordre de 90% de ses revenus en 2021 envisage des rentrées substantielles afin d’équilibrer ses budgets. La bonne « récolte » de 2022(Liga et Ligue des Champions) lui a fait du bien mais les équilibres financiers n’étaient pas assurés au sein du club de Florentino Perez. Il lui faudra brasser des titres et faire des économies (dans le recrutement notamment) pour espérer revoir la balance normalisée. Sur le plan sportif, cela se justifie par des terrains et cette saison, le club du Roi n’a encore rien gagné. Il a même perdu la Supercopa face au rival du Barça et est désormais à cinq points de retard au classement de la Liga derrière les Catalans. L’équipe conduite par Benzema n’est pas au mieux et son désir de conquérir l’Europe pour un quinzième trophée pâlit devant le rendement à reculons de ses cadres. Une saison à blanc est à redouter même si d’aucun pensent que le Mondialito, membre peu apprécié des épreuves organisées sous l’égide de la Fifa, ne rapporte pas assez (5 millions pour le vainqueur et 4 pour le finaliste). Les Madrilènes étaient d’ailleurs les premiers à dénoncer la programmation impromptue d’un tel évènement à une période de la saison très chargée. Carlo Ancelotti aura, ainsi, beaucoup de mal à former deux équipes performantes pour disputer les deux rencontres (demi-finale, finale ou match de classement) prévues les 8 et 11 février. Le 15 février, le Real reçoit Elche puis se déplace le 18 à Osasuna avant de mettre en jeu son titre européen contre Liverpool, le 21 février, en match aller de la Ligue des Champions. Calendrier démentiel qu’il est et qui risque d’impacter négativement les ibériques mais également les organisateurs marocains, en « alerte maximale » depuis que la Fifa a décidé de programmer ledit Mondialito au Maroc en ce mois de févier. C’est-à-dire depuis environ cinq semaines. Une course contre-la-montre qui a exigé la mobilisation de beaucoup de moyens en vue de réhabiliter ou mettre à niveau les stades de Rabat et de Tanger. Rien que pour la modernisation de ce dernier, la somme de 25 millions d’euros a été dépensée. Une folie pour un royaume qui continue de quémander de l’aide au FMI et aux institutions financières internationales. De la frime, en définitive, que le ministre-délégué au budget marocain et non-moins président de la FRMF, Lekdjaâ veut imposer comme ligne de conduite à toute l’Afrique. En vain…
Le CHAN « vend bien »
Pendant que Lekdjaâ frime, le CHAN prime. Considérée comme une vitrine pour tous ses bons joueurs de l’ombre, la compétition a déjà livré ses premiers lauréats individuels. Des talents qui n’ont pas manqué de taper dans l’œil des recruteurs. En Afrique d’abord, avec le Malien Mamadou Doumbia, le Malgache Koloina Razafindranaivo et l’Algérien Ahmed Kendouci transférés officiellement en Tanzanie (Young African), en Algérie(MCA) et en Egypte (Ahly du Caire). Mais également vers l’Europe à l’instar du Camerounais Ngom Mbekeli, il est vrai découvert lors du Mondial-2022 au Qatar (il était le passeur sur le but de Vincent Aboubakar contre le Brésil) et le buteur de l’Angola Gilberto Depu, qui ont signé respectivement au profit de Beveren(Belgique) et Gil Vicente(Portugal). Ceci sans oublier les mouvements de joueurs sur le plan local, des clubs étant mieux nantis financièrement et qui ont une meilleure visibilité s’arrachent les internationaux qui émargent au sein d’équipes économiquement pauvres. Le jeune attaquant de l’USM Khenchela Sofiane Bayazid étant, à cet effet, convoité par le MC Alger, club financé par la firme pétrolière Sonatrach. Un transfert qui va permettre au club de Babar de mieux gérer ses affaires et à son jeune buteur, natif du sud algérien (Nezla, Ouargla) de connaitre de nouveaux horizons.
Et ce n’est qu’un début, des joueurs ciblés n’ont pu être transférés en raison de la proximité de la date de clôture du mercato avec la tenue des tours avancés du CHAN. Il faut, en ce sens, attendre la fin de ce Championnat d’Afrique des locaux pour faire le vrai bilan de ces joueurs qui ont émergé et qui ont été supervisés. En tout état de cause, une telle opportunité ne pouvait qu’être bénéfique pour les uns et les autres.
A l’exemple de ces entraineurs qui ont gagné des galons et qui ont prouvé que le produit africain n’a rien à envier à celui que les fédérations, voire les gouvernements de certains pays africains, allaient chercher sous d’autres cieux.
A ce propos, il faut bien faire remarquer que les rares entraineurs européens présents lors de ce CHAN n’ont pas connu la réussite présumée. Corentin Martins(Libye) et Milutin Srédojevic(Ouganda), ainsi que ceux qui supervisaient de prés la sélection A’ (Jean-Michel Cavalli du Niger et Sébastien Desabre de la RD Congo) ont failli sur toute la ligne. La Libye a déjà fait le choix de confier sa sélection à un entraineur local (On parle de Hamadi Oussama), l’expérience des étrangers ayant été soldée par des échecs à répétition. Or, le président de la fédération Al-Shalmani a fini par déclarer l’incapacité de sa structure dirigeante à prendre en charge les émoluments des entraineurs imposés par le ministère de tutelle. D’ailleurs, la participation de la sélection libyenne au CHAN n’a été possible que grâce à l’aide de dernière minute consentie par le ministère libyen des sports.
Au-delà de ces questions de finances qui grèvent les institutions de football en Afrique, l’apport des coopérants techniques européens ne fait plus l’unanimité au sein même des opinions publiques. L’émergence d’une nouvelle génération de jeunes entraineurs africains, même issus de l’émigration, à l’exemple de Belmadi, Aliou Cissé et Walid Regragui, a ravivé le sentiment nationaliste chez beaucoup d’africains. Un juste retour de flammes envers une terre d’asile qui ne cesse de repousser le noir et l’arabe à travers les gestes et les paroles. Le football étant un champ d’expression politique insoupçonnable, il devient logique que le produit local soit une revendication de tous les instants. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner quand on voit aujourd’hui Madjid Bougherra « grignoter » de l’estime dans le cœur des Algériens, éberlués par son succès en Coupe arabe au Qatar et qui a mené les locaux en finale de ce CHAN-2022. Le Majic aime bien mais, respectueux envers les personnes qui l’ont incité à suivre cette voie, Belmadi en particulier, il dit attendre son heure. Une perspective qui fait rêver beaucoup de jeunes, joueurs ou entraineurs, à vouloir se préparer à se mettre au service de son pays et à se mesurer aux grands de ce monde. Et des « comme ça », l’Afrique en a à en revendre. N’en déplaise à Lekdjaâ et tous ceux qui le managent.