En dépit de son retrait de la gestion directe de l’Entente de Sétif, Abdelhakim Serrar reste un élément incontournable dans le paysage du football national, de par son vécu comme joueur international ou en tant que gestionnaire.
Dans cette interview accordée à « Africa Foot United », le champion d’Afrique 1990 avec les Verts donne son avis sur plusieurs questions délicates, notamment la situation de la FAF, le retour annoncé de Mohamed Raouraoua, mais aussi de Djamel Belmadi et de l’équipe nationale.
Comment vit Abdehakim Serrar son retrait de l’Entente de Sétif après des années de bons et loyaux services ?
« Je suis très heureux d’avoir mis le club sur les rails, parrainé par une grande société. Cela va permettre à l’Entente, pas tout de suite, mais dans les années à venir, à se stabiliser et retrouver la gloire qu’a connu ce club par le passé. Pour moi, je n’ai plus 20 ans, il ne faut pas être égoïste dans la vie, il faut savoir laisser sa place. Peut être qu’il y aura d’autres personnes qui ont de nouvelles visions, d’autres qualités qui vont permettre au club d’avoir une nouvelle méthode de gestion et le faire sortir définitivement de la crise qu’il a vécue. Donc, on doit être sage, on doit encourager ne serait-ce que par les belles paroles. La vie continue, Dieu Merci, on n’a pas laissé le club en deuxième division. On a laissé le club endetté jusqu’au cou certes, heureusement qu’il y a la Sonelgaz qui est venue à son secours. On doit saluer les efforts qu’à fait cette société. Nos vifs remercîments vont surtout pour le président de la République pour sa nouvelle vision et la nouvelle politique concernant le football. On est pratiquement à dix clubs dirigés par des entreprises nationales. Reste six, ce n’est pas beaucoup. On va revenir au temps de la première réforme sportive, qui va donner un élan important à notre football qui vit en crise totale. On commence, désormais, à voir le bout du tunnel. »
Une première réforme sportive que beaucoup critiquent pourtant, et qualifient d’échec…
« Moi, je pense que la réforme sportive a réussi à mille pour cent. C’est grâce à cette réforme qu’on a été les patrons de l’Afrique en handball. On était des leaders en athlétisme, en volley-ball, des champions en boxe. Cela été une reforme sportive réelle. On a eu notre premier titre en 1975, lors des Jeux Méditerranéens, juste après en 1978 lors de la réforme, on a eu la médaille des Jeux Africains. En 1980, on a été en finale de la coupe d’Afrique, avec une participation aux JO lors de la même année, et en coupe du monde pour l’équipe juniors. L’année suivante, la JS Kabylie a été championne d’Afrique. En 1982 et en 1986, on a fait deux participations en coupe du monde. On a été vainqueurs de la coupe d’Afrique en 1990, avant qu’on sombre dans la crise. Depuis la loi 89-03, il y a eu un ralentissement dans le développement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La reforme a donné de grands résultats à notre sport. «
Avec l’arrivée des entreprises nationale à la tête des clubs, on assiste à une vague de départs de plusieurs présidents, à l’instar de Mohamed Zerouati et vous même, comment vous l’expliquez ?
« Je dirais plutôt que c’est une nouvelle ère, un changement dans la vision footballistique. Pour Zerouati, je n’ai pas la certitude qu’il partirait, pour la simple raison qu’il est le propriétaire de la JS Saoura. C’est lui qui a créé le club en 2008. Zerouati est un monument à Bechar, il mérite qu’on érige une statue à son honneur. Là-bas pour tout ce qu’il a fait pour ce club et la région.
Pour moi ce n’est pas la même chose. Peut être que c’est l’âge. Peut être que je suis mal vu, peut-être qu’on me reproche une mauvaise gestion, ou encore qu’on ne voie pas en moi la personne qui pouvait réussir. Il faut savoir que j’ai démissionné avant l’acquisition du club par l’entreprise nationale. C’est une décision personnelle, toujours est-il la Sonelgaz d’une manière indirecte avait émis ce vœu, bien qu’on me l’a jamais signifié. Le jour où on m’a refusé la signature de Madoui et le gardien Aggoune j’ai compris le message. «
Pourquoi Abdelhakim Serrar pense qu’il est mal vu, en dépit de tout ce qu’il a donné à l’Entente de Sétif ?
« On peut calculer la valeur d’un homme d’après le nombre de ses ennemis. Celui qui n’a pas de gens contre lui, il n’a aucune valeur. Je suis très satisfait de mon passage à l’Entente. On a réussi à remettre l’ESS à la plus haute marche du podium en 2007, après 20 ans de disette. S’en est suivie une véritable razzia en 2008, 2009, 2012, 2013, 2017. En 2006, le club possédait deux titres de champion d’Algérie, aujourd’hui on est à huit. Il y a eu une évolution extraordinaire. On était à 6 coupes d’Algérie, maintenant on en a 8. On était à une coupe d’Afrique, aujourd’hui on est à deux. Dieu Merci, l’armoire du club est pleine de titres, sur le plan de l’évolution du club, je suis très satisfait. Je suis comblé même et très content de sortir de cette manière du club, parce que s’il n’y avait pas l’arrivée de la Sonelgaz, l’ES Sétif risquait de disparaitre. »
Et pour votre avenir dans le panorama du football algérien, est-ce qu’on va vous voir de sitôt à la tête d’un autre club, ou à la prochaine composante de la fédération algérienne de football ?
« Sincèrement, je suis un mal nécessaire dans notre football. Et le mal nécessaire, il est utile beaucoup plus dans le bien que dans le mal. Vu mon expérience, j’estime que je peux encore servir notre football ne serait-ce que par des conseils. Peut être qu’on n’a plus l’âge afin de se mesurer aux jeunes compétences dont dispose notre pays, toujours est-il je compare souvent le poste de président de club au poste de politicien, où l’âge n’est qu’un numéro. Henry Kissinger, en 1974, il était le ministre des Affaires étrangères des Etats Unis. Actuellement à 94 ans, il est le premier conseiller du congress aux affaires étrangères. Donc, les postes politiques et sportifs n’ont pas d’âge. Je l’ai dit lors de la dernière réunion avec les responsables de la Sonelgaz et ceux de la Wilaya de Sétif: » Abdelhakim Serrar n’est pas demandeur d’emploi » et je le redis encore aujourd’hui. Cependant, comme j’ai beaucoup d’ennemis; j’ai beaucoup d’amis aussi dans le football. Le mot ennemi est un peu fort, parce qu’il s’agit de personnes malintentionnées qui gèrent la rumeur. C’est devenu chez nous une mode de dire celui-là est propre et celui-ci est un homme, alors que ce n’est pas du tout les critères pour gérer le football. En football c’est le dynamisme, l’intelligence, le machiavélisme qui doit être là, ce n’est pas de la rigolade. Je vais être très sincères avec vous, il n’y a pas de signes qui font que Abdelhakim Serrar va prendre la fédération algérienne de football. Dans un autre club,oui c’est possible, mais pour la FAF, non. Si je vais revenir, ce sera dans un club du centre du pays, un club de la capitale. »
Quelle est votre position à la situation actuelle de la FAF et de l’éventuel retour de l’ancien président Mohamed Raouraoua ainsi que la candidature par encore annoncée de Ighil Meziane ?
« Il faut savoir que les temps ont changé et le monde bouge rapidement. Ighil Meziane pour moi est un poids lourd. C’est quelqu’un qui a un vécu sportif important. C’est un intellectuel qui est passé par le terrain et a fait de la gestion. J’ai été très content de savoir qu’il postule pour ce poste. En revanche concernant Mohamed Raouraoua, son carnet d’adresse et ses relations peuvent rendre service au football algérien, comme conseiller à la fédération. «
Que pensez-vous de Walid Sadi, un homme qui est passé par la direction de l’ES Sétif, et sa possible candidature?
« C’est sans commentaire. »
Comment voyez vous les défis qui attendent notre équipe nationale notamment la CAN-2023?
« Qu’on laisse Djamel Belmadi en paix, on ne doit pas l’impliquer dans des histoires d’assemblée générale ou de qui va venir à la FAF. Laissez-le faire son travail. Le passage des générations est la chose la plus difficile dans une équipe de football, c’est ce que Belmadi est en train de réussir actuellement. Je suis convaincu que l’Algérie va revenir dominer le football africain, qu’on lui laisse le temps. »