L'incontournable du football africain

Entretien – Fabrice Olinga: « Il y a un regard particulier sur les joueurs africains »

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International camerounais (27 ans) parti de la Fondation Samuel Eto’o en 2007, Fabrice Olinga est l’un de ces nombreux jeunes camerounais partis du pays pour rejoindre la prestigieuse académie du FC Barcelone, la Masia.

Plus de 15 ans plus tard et les difficultés d’insertion des uns et des autres dans des clubs importants, Fabrice Olinga dresse l’itinéraire d’une jeunesse africaine très souvent livrée à la merci d’agents véreux, et parfois abandonnée a elle-même. C’était au cours d’une interview exclusive accordée à AfricafootUnited.

AFU : Quelle est l’actualité de Fabrice Olinga ?

Olinga: « Je suis sous contrat avec Botosani en Roumanie depuis 6 mois. Mais depuis 3 mois il y a un problème administratif qui m’empêche de jouer. Le club a commis des erreurs au moment de la signature, au niveau de l’administration à un moment ça a bloqué. Et depuis lors je suis restreint sur le territoire roumain. Je ne peux plus résider sur le territoire roumain, parce qu’il y a des choses qui n’ont pas été faites correctement sur le plan administratif. Actuellement je suis dans ma résidence en Belgique. »

AFU: Et comment on vit entant que footballeur quand on est à des milliers de kilomètres de son club, et qu’on ne peut même pas s’y entraîner pendant autant de temps, doit-on encore considérer Fabrice Olinga comme footballeur en activité ?

Olinga : « On ne peut pas interdire quelqu’un de rêver. Quand je verrai que je ne peux plus, je vais m’arrêter, mais ce n’est pas encore le cas. J’ai décidé de suivre le football au détriment de l’argent, malheureusement le football ne m’a pas encore donné ce que j’espérais. Ce sont des choix que j’ai faits, et que j’assume, or là actuellement il s’agit d’une erreur administrative et j’espère qu’elle sera solutionnée. J’ai mon préparateur physique avec qui je m’entraîne chez moi, maintenant il est claire que tout joueur veut évoluer avec son club, ce n’est pas le cas pour moi actuellement pour les raisons que j’ai évoquées. Je continue néanmoins de travailler et de garder la tête haute en attendant que les choses reviennent à la normale. »

AFU: Vous avez fait plusieurs clubs dans votre carrière, même si on retient surtout le Royal Mouscron en Belgique où vous avez passé 6 ans, quelle appréciation faites-vous de votre carrière en club aujourd’hui ?

Olinga: « J’avais bien débuté ma carrière et j’avais le contrôle, jusqu’à ce que le monde me découvre. Et quand le monde vous découvre, il y a des choses que vous ne pouvez plus contrôler. Ma passion pour le foot n’a jamais changé, juste que autour de moi, il y avait une équipe qui était sensée faire les choses correctement. À 16 – 17 ans, vous ne pouvez pas contrôler tout ce qui se passe. J’ai eu la malchance de ne pas avoir les parents suffisamment proches de moi au moment de prendre certaines décisions, et c’est le même problème pour beaucoup de jeunes africains. Quand il s’agit de prendre des décisions la plupart des temps, les parents sont mis à l’écart, et au final les décisions qui sont prises le sont sans vous-même, et au final, moi, ça m’a fait bruler les étapes. Moi j’ai toujours voulu aller étape par étape, mais je me suis retrouvé entrain de signer dans un club que je ne voulais pas, et à partir de ce moment, tu perds le contrôle. »

AFU: Et du coup on peut conclure que vous n’êtes pas satisfait de votre carrière ?

Olinga: « Honnêtement si je vous dis que je suis satisfait de ma carrière, je serais entrain de mentir. Après j’ai une vision différente aujourd’hui, parce qu’il existe pire que ça. Ma carrière a eu beaucoup d’étapes, mais il y des choses qu’on ne peut pas dire. Il y a le joueur sur le terrain, mais en dehors du terrain il y a beaucoup de choses qui nous échappent, notamment dans la gestion et les choix de carrière. Personnellement je n’étais pas celui qui choisissait dans quel club il devait évoluer, et du coup on n’a pas le contrôle »

AFU: Vos début en sélection, est-ce que vous vous en souvenez ?

Olinga: « Oui ! Octobre 2012, et ce match face au Cap-Vert, j’ai eu la chance d’avoir un entraîneur qui a cru en moi, et dommage qu’après ça, il n’a pas poursuivi l’aventure avec les Lions. Mais sur ce match j’entre en jeu en seconde période, c’était la première sélection, et j’inscris le but qui donne la victoire à l’équipe, c’était un moment exceptionnel, même si après on ne se qualifie pas pour la CAN en Afrique du Sud. Je me souviens que j’avais demandé à aller en sélection, parce que j’avais aussi l’opportunité de jouer avec les jeunes espagnols, mais mon rêve avait toujours été de jouer pour mon pays.»

AFU: Quand on regarde dans le rétroviseur, on voit que vous avez seulement 17 sélections, est-ce que pour vous la page Lions Indomptables est définitivement tournée ?

Olinga: « Il y’a quelques temps que certaines personnes l’ont tournée à ma place. Mais honnêtement j’ai encore beaucoup à faire, j’ai encore beaucoup à apporter et à prouver. Je crois que mon étape en Belgique m’a montré de quoi j’étais réellement capable. J’y ai eu de la continuité, ça se passait super bien, et après j’espérais avoir une certaine régularité au niveau de la sélection, j’étais bien, mais après il y a des étiquettes qui m’ont été collées, et puis il y a eu des problèmes. Vous savez en sélection, quand vous côtoyez certaines personnes, on vous catalogue, et moi j’ai eu beaucoup de problèmes à cause de l’étiquette que j’avais (celle du fils de Samuel Eto’o, ndlr) »

AFU: Vous parlez de problèmes, et aujourd’hui on se rend compte qu’il y en a de plus en plus en sélection, mais quel est votre regard sur la gestion de l’équipe du Cameroun aujourd’hui ?

Olinga: « Honnêtement, j’étais très content quand j’ai vu cet enthousiasme et cet engouement autour du Président (Samuel Eto’o, ndlr), pour qu’il soit élu. Il y a par la suite eu beaucoup d’attentes. Mais vu comment les choses se passent, de l’extérieur, je vois que les choses se passent très mal. »

AFU: Vous avez été formé avec André Onana, on suppose donc que vous êtes toujours proches, comment percevez vous les problèmes qu’il traverse en sélection ces derniers temps ?

Olinga: « Je crois que le problème que André a c’est qu’il est gardien de but. S’il était attaquant, il ne devrait pas avoir tous ces problèmes. Aujourd’hui le Cameroun devait juste être content d’avoir une star de ce niveau dans son équipe, parce que la réalité est là. Si on parle d’actualité, c’est André Onana l’actualité du football camerounais. Et rien que pour cela, il faut faire les choses différemment parce que ça a toujours été le cas en sélection. Il y a des joueurs qui ont eu des privilèges en sélection à un moment donné, c’est parce qu’ils méritaient ces privilèges. On aurait donc dû gérer le cas Onana différemment, et c’est juste dommage parce que ce qui devait être un problème interne est devenu international. »

AFU: Vous étiez près d’une vingtaine au départ dans la Fondation Samuel Eto’o mais aujourd’hui 15 ans plutard, il n’y a que André Onana qui fait une grande carrière, Comment vous expliquez cela ?

Olinga: « On a eu l’opportunité de découvrir les centres de formation en Europe. De là, chacun à décidé de faire son chemin en prenant parfois de mauvaises décisions, et d’autres n’ont pas eu le choix, parce qu’ils n’ont pas su être accompagnés. À un moment quand vous faites un travail, soit vous allez au bout, soit vous ne le faites pas. Il y a eu une très mauvaise gestion des enfants de la fondation. La réussite d’André ne doit pas être l’échec des autres. Pour moi particulièrement, quand j’étais plus petit, j’ai eu ce que je voulais. J’espérais jouer en sélection, en Europe et je l’ai fait. À un moment quand les choses se passent bien on se croit grand, beaucoup parmi nous ont été mal accompagnés. Au final chacun à sa définition de la réussite, et chacun sait pourquoi il a réussi ou pas. »

AFU: Que répondez vous à ceux qui estiment que les joueurs africains perdent eux-mêmes l’exigence quand ils arrivent en Europe et se livrent à des activités qui n’aident pas leur carrière, et donc sont responsables de ce qui leur arrive ?

Olinga: « Je suis d’accord que les joueurs ont une part de responsabilité. Parce qu’au final c’est trop facile d’accuser les gens. Chacun devrait prendre ses responsabilités. Mais beaucoup de joueurs n’ont pas souvent de choix. Moi je ne suis pas ce joueur qui est toujours dehors, mais la plupart des joueurs africains ont cette faculté, et ça ne nous aide pas. Contrairement aux autres , les africains sont très surveillés ; il y a un regard particulier sur nous, et chaque détail compte. »

AFU: Comment tu fais pour signer à Chypre ?

Olinga: « A l’époque j’étais sous contrat avec Pini Zahavi, un agent israélien. C’est l’agent de Neymar et Lewandowski. Quand je signe avec lui je suis à Malaga, et il y’avait des pas à suivre. Et après Malaga, je devais signer à Chelsea, mais au final il demande trop d’argent à Chelsea. Après moi je voulais rester à Malaga, sauf que lui il s’est arrangé avec le directeur sportif, et m’ont fait signer à Chypre sans que je ne sois au courant. Et c’est ainsi que je me retrouve dans un pays que je connais pas, et c’était compliqué. »

AFU: « Sortons par cette question, que faut-il d’après vous pour redonner de la compétitivité à l’équipe nationale du Cameroun ?

Olinga: « Ce serait bien d’avoir des joueurs, plutôt que des figurants. Quand on fait des sélections, on doit ramener des joueurs, et non des figurants. Il y’a beaucoup de talents au Cameroun, alors quand vous ramenez des joueurs, donnez leur l’opportunité de se montrer… Le Cameroun a toujours su faire les choses, le Cameroun a toujours su se battre. Plus que du Hemlé, on a toujours vu du jeu et de la passion. Mais là, honnêtement le match contre le Nigeria (à la CAN, ndlr) on pouvait le jouer pendant 3 semaines, on n’allait jamais inscrire un but. »

AFU: Merci Fabrice

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